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Justice de paix : compétences en matière d’énergie et recours

Publié le: 08/01/2019 - Mis à jour le : 08/01/2019

Récemment, des modifications législatives sont intervenues en ce qui concerne les compétences des juges et en ce qui concerne les conditions de montant du litige pour faire appel.

C’est l’occasion de refaire un point sur les compétences du Juge de paix et les recours possibles contre les décisions qu’il rend.

Compétences du Juge de paix

Nous nous focalisons sur le Juge de paix parce qu’en matière de récupération de dettes de gaz, d’électricité et d’eau (ainsi qu’en matière locative), le Juge de Paix a une compétence dite « exclusive », c’est-à-dire qu’il est compétent, quel que soit le montant de la demande :

Article 591 du Code Judiciaire :

« Le juge de paix connaît, quel que soit le montant de la demande:

1° des contestations relatives aux louages d’immeubles et des demandes connexes qui naîtraient de la location d’un fonds de commerce; des demandes en payement d’indemnités d’occupation et en expulsion de lieux occupés sans droit, qu’elles soient ou non la suite d’une convention; de toutes contestations relatives à l’exercice du droit de préemption reconnu aux preneurs de biens ruraux;

(…)

25° de toutes demandes introduites à l’encontre d’une personne physique, autre qu’une entreprise visée à l’article 573, alinéa 1er, 1°, de paiement de la fourniture d’un service d’utilité publique dispensée par un fournisseur d’électricité, de gaz, de chauffage ou d’eau ou par une personne proposant un réseau public de communications électroniques, un service de radiotransmission ou radiodiffusion et télédiffusion. »

En revanche, pour ses compétences dites « générales » (c’est-à-dire hors compétences exclusives citées plus haut), le Juge de paix est – depuis le 1er septembre 2018 – compétent pour les litiges dont le montant n’excède pas 5.000€ (contre 2.500€ auparavant).

Article 590 du Code judiciaire :

« Le juge de paix connaît de toutes demandes dont le montant n’excède pas 5.000 euros (…) ».

Et les recours ?

On parle ici de faire appel ou opposition d’une décision du Juge de paix, selon la situation dans laquelle se trouve l’usager.

Lorsqu’une personne est convoquée devant le Juge de Paix, en vue de se faire condamner au paiement d’une dette – et, le cas échéant, à la coupure -, et qu’elle ne se rend pas à l’audience, elle est condamnée « par défaut ». Avant la réforme du Code judiciaire entrée en vigueur le 3 août 2017 (Pot Pourri V)¹, les personnes condamnées par défaut qui contestaient le jugement pouvaient choisir entre l’opposition et/ou l’appel. Du temps où ce double recours existait encore, il était conseillé d’introduire d’abord une opposition, car elle entraîne le retour devant le même juge, à savoir dans ce cas-ci le Juge de Paix, qui est un juge de proximité. Si la personne n’était pas satisfaite du nouveau jugement rendu sur opposition, elle pouvait – dans un second temps – introduire un appel devant la juridiction supérieure, à savoir le Tribunal de 1ère Instance. A présent, cette double possibilité est supprimée.

Depuis le 3 août 2017, l’opposition n’est possible que dans les cas où la loi exclut l’introduction d’un recours en appel. En d’autres mots, ce n’est que lorsque l’appel n’est pas possible qu’une opposition peut être introduite. Cette limitation aboutit à réduire de manière drastique les cas dans lesquels l’opposition est admise.

Concrètement, l’appel d’un jugement rendu par le juge de paix n’est pas possible lorsque l’objet du litige a une faible valeur, à savoir un montant inférieur à 2.000 € ² : uniquement dans ce cas donc, celui qui a été condamné par défaut, pourra faire opposition auprès du Juge de Paix.

Par ailleurs, lorsque la valeur du litige est indéterminée (ex. : l’usage demande que son limiteur de puissance soit ôté), l’appel est toujours possible³, et par conséquent, l’opposition ne l’est jamais.

En résumé :

Appel : Il n’est possible de faire appel d’un jugement du Juge de paix, rendu contradictoirement ou par défaut, que si le litige porte sur une demande dont le montant était supérieur à 2000 €.

Opposition : Il est possible de faire opposition contre un jugement du Juge de paix rendu par défaut et uniquement s’il porte sur une demande dont le montant était inférieur ou égal à 2000 € (c’est-à-dire un jugement rendu en « dernier ressort », donc plus susceptible d’appel).

Ainsi, il n’est plus possible d’introduire un recours contre les jugements rendus par le Juge de Paix, en présence du fournisseur et de l’usager, sur une dette énergétique ou d’eau dont le montant est inférieur à 2000 €. Cela peut s’avérer particulièrement problématique lorsque le juge de Paix dont on dépend (le juge de Paix compétent est celui du domicile de la personne endettée) a une jurisprudence peu favorable aux personnes précarisées (ex. maitrise aléatoire des ordonnances applicable et des mesures sociales en matière d’énergie et eau ; octroi de plans de paiement demeurant difficiles à respecter pour l’usager,…).

» Pour plus de clarté : consulter le schéma

Délais d’introduction du recours

En matière d’énergie, tant l’appel4 que l’opposition5 doivent être introduits dans un délai ordinaire d’un mois à compter de la signification du jugement contesté.

Le simple fait d’introduire une opposition, ou un appel contre un jugement rendu par défaut, entraîne un effet suspensif prévu par le Code judiciaire : autrement dit, tout recours déposé contre un jugement rendu par défaut suspend l’exécution du jugement (récupération de dette ou coupure par exemple), et ce pendant toute la durée de la procédure6, à moins que le jugement ait déjà été exécuté avant l’introduction du recours (en application du principe de l’« exécution provisoire », expliqué ci-dessous).

En revanche, un appel introduit contre un jugement contradictoire – à savoir, lorsque fournisseur et usager étaient tous deux présents devant le Juge de Paix – ne suspend pas l’exécution forcée du jugement contesté et n’empêche donc pas l’exécution forcée – dont la coupure – d’avoir lieu malgré l’appel.

Le juge de Paix saisi d’une opposition, ou le Tribunal de 1ère Instance saisi d’un appel, vont réévaluer l’ensemble de la situation et jouissent d’un large pouvoir d’appréciation.

Principe de l’« exécution provisoire » ou de l’ « exécution par provision » des jugements ?

L’exécution provisoire ou exécution par provision permet de faire exécuter un jugement alors que le délai de recours contre ce jugement n’est pas encore expiré. L’exécution provisoire permet aussi de faire exécuter le jugement même si un recours a été introduit, tant que l’instance de recours n’a pas rendu sa décision.

Avant l’entrée en vigueur de la loi « Pot Pourri I » le 1er novembre 2015, les décisions judiciaires sur dettes/coupures n’étaient pas exécutoires par provision, sauf si le juge l’avait expressément autorisée dans son jugement, ce qui était une pratique courante.

La loi du 19 octobre 2015 – dite Pot-pourri I 7– a inversé le principe : l’exécution provisoire d’un jugement sur dettes/coupures est désormais généralisée, et ce malgré les potentiels recours introduits à son encontre susceptibles de mettre ce dernier à néant.

Désormais et actuellement, tous les jugements sont donc exécutoires par provision, sauf si le juge, d’office ou à la demande d’une des parties, en décide autrement moyennant une décision spécialement motivée8.

Comment calculer le montant de la demande ?

Pour savoir quel juge est compétent et/ou si l’on peut faire appel de la décision, on doit régulièrement se référer au montant de la demande.

Comment savoir de quel montant on parle ? S’agit-il du montant que la partie perdante doit payer à l’autre, en vertu de la décision rendue ? Du montant réclamé par le demandeur dans sa requête ou sa citation ?

De manière générale, pour déterminer quel juge est compétent, on tient compte du montant réclamé dans la requête ou la citation.

Article 557 du Code judiciaire

« Lorsque le montant de la demande détermine la compétence d’attribution, il s’entend du montant réclamé dans l’acte introductif à l’exclusion des intérêts judiciaires et de tous dépens (,ainsi que les astreintes.). »

Le montant de la demande peut varier en cours de procédure, par exemple suite à l’aggravation du préjudice ou la réclamation de nouvelles factures ; il convient donc alors de prendre en compte le montant formulé dans les dernières conclusions9.

Pour ce qui concerne la question des recours, on applique la même règle, sauf si la demande a été modifiée en cours d’instance.

Article 618 du Code judiciaire

« Les règles énoncées aux articles 557 à 562 s’appliquent à la détermination du ressort.

Si la demande a été modifiée en cours d’instance, le ressort est déterminé par la somme demandée dans les dernières conclusions. »

[1] Voy. Loi du 6 juillet 2017, dite « Pot Pourri V », portant simplification, harmonisation, informatisation et modernisation de dispositions de droit civil et de procédure civile ainsi que du notariat, et portant diverses mesures en matière de justice, M.B., 24 juillet 2017.
[2] Art. 617 du Code jud.:« Les jugements du tribunal de première instance et du tribunal de commerce qui statuent sur une demande dont le montant ne dépasse pas 2.500 euros, sont rendus en dernier ressort. Cette règle s’applique également aux jugements du juge de paix et, dans les contestations visées à l’article 601bis, à ceux du tribunal de police, lorsqu’il est statué sur une demande dont le montant ne dépasse pas 2.000 euros. »
[3]Art. 619 du Code jud.
[4] Art. 57 et 1051, al. 1 du Code jud.
[5] Art. 57 et 1048 du Code jud.
[6] Art. 1397 al. 2 du Code jud.
[7] Loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procédure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice, M.B., 22 octobre 2015, spéc. les art. 41 et 42.
[8] Art. 1397 al. 1er du Code jud.
[9] art. 618, al. 2 du Code jud.