Suspension d’un arrêté d’expulsion de personnes sans-abri
CATÉGORIE : Acteurs publics VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Dans cet arrêt, le Conseil d’État a suspendu un arrêté pris par le bourgmestre d’Anderlecht ordonnant l’évacuation immédiate d’un bâtiment occupé par 150 à 200 personnes sans droit ni titre, parmi lesquelles de nombreuses familles, des enfants, des personnes âgées et des demandeurs de protection internationale non hébergés par FEDASIL. Le bourgmestre justifiait sa décision par des considérations de salubrité et de sécurité publique. Toutefois, des rapports sociaux et sanitaires indépendants ont infirmé les constats avancés, décrivant un lieu propre, organisé et sans risques manifestes. Le Conseil d’État a jugé que les conditions de l’extrême urgence étaient réunies et que les moyens invoqués étaient sérieux, notamment en ce qui concerne l’absence de compétence du bourgmestre, la disproportion de la mesure et le non-respect des garanties fondamentales. Il a donc suspendu l’arrêté. Cette décision rappelle que le droit au logement et au respect du domicile, même dans des situations d’occupation illégale, impose un contrôle juridictionnel effectif, et que les autorités administratives ne peuvent pas se substituer au juge compétent pour prononcer une expulsion.
Résumé des faits
Les requérantes occupaient, avec environ 150 à 200 personnes vulnérables, un bâtiment inoccupé depuis plusieurs années à Anderlecht. L’immeuble appartenait à un nouveau propriétaire ayant sollicité l’évacuation. Le 5 juin 2024, le bourgmestre d’Anderlecht a pris un arrêté ordonnant l’évacuation immédiate du lieu. La police a notifié aux occupants qu’une expulsion aurait lieu le 14 juin. Deux requérantes ont introduit un recours en extrême urgence devant le Conseil d’État le 13 juin.
Arguments des parties
Les requérantes ont invoqué une atteinte au droit au logement (article 23 de la Constitution), au respect du domicile (article 8 CEDH) et au droit à un recours effectif. Elles soutenaient que l’arrêté était mal fondé, disproportionné, reposait sur des constats inexacts et que l’expulsion imminente constituait un péril grave et irréparable.
La commune d’Anderlecht, pour sa part, justifiait l’évacuation par la salubrité publique, des risques pour la sécurité, et la présence prétendue de nuisibles ou d’usagers agressifs à l’hôpital voisin. Elle contestait l’urgence et la diligence des requérantes.
Raisonnement du tribunal
Le Conseil d’État a jugé que l’urgence était manifeste, l’exécution étant prévue le lendemain. Il a reconnu que le lieu constituait le domicile effectif des requérantes, même en l’absence de droit de séjour. Il a rappelé qu’une expulsion doit faire l’objet d’un contrôle judiciaire préalable, et ne peut être décidée unilatéralement par un bourgmestre, sauf en cas de menace prouvée à l’ordre public. Le juge a relevé que l’arrêté ne démontrait pas en quoi l’occupation portait atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, et que les motifs invoqués étaient contredits par un rapport neutre (Diogènes & Cover). Il a jugé que le bourgmestre avait outrepassé ses compétences, et que seul le juge de paix était compétent pour autoriser une expulsion de ce type.
Décision du tribunal
Le Conseil d’État a accordé le bénéfice de l’assistance judiciaire aux requérantes, a constaté l’extrême urgence, et a ordonné la suspension immédiate de l’arrêté d’expulsion pris le 5 juin 2024. Il a réservé la question des frais de procédure pour une décision ultérieure. Il rappelle expressément que les droits fondamentaux des personnes vulnérables doivent être respectés, même dans un contexte d’occupation illégale.
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