Indexation des loyers et performance énergétique
CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Par son arrêt n° 63/2024, la Cour constitutionnelle a rejeté les recours introduits par plusieurs associations de propriétaires contre l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 octobre 2022. Cette ordonnance limitait temporairement l’indexation des loyers des logements peu performants énergétiquement (certificats PEB E, F, G ou absence de certificat). Les requérants invoquaient une atteinte au droit de propriété, une discrimination injustifiée, une atteinte à la sécurité juridique et une incompétence de la Région bruxelloise pour légiférer en la matière. La Cour a reconnu que la mesure constituait une ingérence dans le droit de propriété, mais a jugé cette ingérence justifiée, temporaire, proportionnée et conforme à l’objectif d’intérêt général : protéger les locataires face à la crise énergétique et inciter les propriétaires à améliorer la performance énergétique des logements. Elle a donc rejeté l’ensemble des moyens invoqués. Cet arrêt confirme la compétence des Régions pour réglementer l’indexation des loyers dans le cadre de leur politique du logement et de l’énergie, et valide l’usage du certificat PEB comme critère objectif de différenciation.
Résumé des faits
Le 13 octobre 2022, la Région de Bruxelles-Capitale a adopté une ordonnance modifiant temporairement les règles d’indexation des loyers pour les logements peu performants en énergie. L’indexation était réduite à 50 % pour les logements de classe E et interdite pour ceux de classe F, G ou sans certificat. Plusieurs associations de propriétaires (S, V …) et un particulier ont introduit deux recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. Ils contestaient la compétence de la Région et les effets discriminatoires et disproportionnés de cette mesure.
Arguments des parties
Les requérants ont soutenu :
- que la Région bruxelloise n’était pas compétente pour légiférer sur l’indexation des loyers, qui relèverait du droit civil fédéral et de la politique des prix de l’énergie,
- que le critère du certificat PEB était flou, inégalitaire et peu fiable,
- que la mesure portait atteinte au droit de propriété (article 16 de la Constitution et article 1er du 1er Protocole CEDH),
- qu’elle violait les principes d’égalité et de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution), notamment entre bailleurs, entre locataires privés et sociaux, et entre propriétaires-occupants et bailleurs,
- et qu’elle portait atteinte à la sécurité juridique et aux attentes légitimes des propriétaires.
Les gouvernements régionaux (Bruxelles, Wallonie, Flandre) et le Parlement bruxellois ont défendu la mesure comme étant justifiée par l’urgence, proportionnée, conforme aux compétences régionales et fondée sur un critère objectif et fonctionnel (PEB).
Raisonnement du tribunal
La Cour a d’abord confirmé que :
- la compétence en matière de baux d’habitation (y compris l’indexation des loyers) a bien été transférée aux Régions depuis la 6e réforme de l’État,
- le certificat PEB constitue un critère objectif, pertinent et vérifiable,
- la mesure poursuivait deux objectifs légitimes : protéger les locataires contre la flambée des prix de l’énergie et encourager la rénovation énergétique du parc locatif,
- la limitation d’indexation était temporaire (12 mois), proportionnelle à la classe énergétique du logement, et n’affectait pas la valeur nominale du loyer,
- les bailleurs pouvaient facilement obtenir un certificat et avaient accès à des aides à la rénovation,
- il n’y avait pas de discrimination illégitime ni d’atteinte à la sécurité juridique justifiant une annulation.
Elle a donc rejeté l’ensemble des moyens comme infondés.
Décision du tribunal
La Cour constitutionnelle :
- rejette les deux recours en annulation,
- confirme la constitutionnalité de l’ordonnance bruxelloise du 13 octobre 2022,
- valide la compétence régionale pour encadrer l’indexation des loyers selon la performance énergétique des logements,
- et entérine l’usage du certificat PEB comme critère réglementaire et politique

