Limitation de l’indexation des loyers en Wallonie et performance énergétique
CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Dans son arrêt n° 64/2024, la Cour constitutionnelle a rejeté un recours en annulation introduit par plusieurs associations de propriétaires et deux particuliers contre le décret wallon du 19 octobre 2022. Ce décret limitait temporairement l’indexation des loyers selon la performance énergétique des logements (certificats PEB). Le recours invoquait notamment une atteinte au droit de propriété, une discrimination, une méconnaissance de la sécurité juridique et une incompétence de la Région wallonne. La Cour a reconnu que les mesures portaient atteinte aux intérêts des propriétaires, mais a jugé que cette atteinte était proportionnée à un objectif d’intérêt général : protéger les locataires contre la flambée des prix de l’énergie et inciter à la rénovation énergétique. Elle a estimé que la Région wallonne était compétente pour adopter ces règles dans le cadre de sa politique du logement. Ce jugement confirme la possibilité pour les Régions de moduler l’indexation des loyers à des fins environnementales et sociales, en s’appuyant sur des critères comme le PEB, malgré leurs imperfections.
Résumé des faits
Le décret du 19 octobre 2022 prévoyait :
- une indexation limitée à 75 % pour les logements PEB D,
- à 50 % pour les PEB E,
- aucune indexation pour les PEB F, G ou sans certificat,
- avec application rétroactive à partir du 1er novembre 2022.
Plusieurs associations (S, V) et des propriétaires individuels ont contesté cette mesure, qui touchait environ 75 % des logements wallons.
Arguments des parties
Les requérants faisaient valoir :
- que la Région wallonne n’était pas compétente pour modifier l’équilibre contractuel du droit civil fédéral ;
- que le critère du PEB était imprécis, instable, discriminant et peu fiable ;
- que le décret violait les articles 10, 11 et 16 de la Constitution, ainsi que l’article 1er du Protocole 1 CEDH ;
- qu’il portait une atteinte disproportionnée à la sécurité juridique et aux attentes légitimes des bailleurs.
Le Gouvernement wallon a défendu :
- sa compétence en matière de bail d’habitation et de logement,
- la nécessité et l’urgence des mesures dans un contexte de crise énergétique,
- la pertinence du PEB comme outil réglementaire reconnu au niveau européen.
Raisonnement du tribunal
La Cour a confirmé :
- que la Région wallonne est bien compétente pour réguler les baux d’habitation, y compris l’indexation,
- que le critère PEB est objectif, même s’il n’est pas parfait,
- que les différences de traitement entre logements selon leur performance énergétique sont justifiées,
- que les mesures sont proportionnées : elles sont limitées dans le temps, ciblées, et permettent une adaptation après amélioration du PEB,
- que les locataires sont plus affectés par l’explosion des coûts énergétiques et méritaient protection,
- que les bailleurs ne sont pas privés de leur droit de propriété, mais subissent une régulation de l’usage de leur bien, compatible avec la CEDH,
- qu’il n’y a pas de traitement inégal entre propriétaires selon leur type de bien ou leur ancienneté de bail.
Décision du tribunal
La Cour constitutionnelle :
- rejette intégralement le recours,
- confirme la validité constitutionnelle du décret wallon du 19 octobre 2022,
- reconnaît la légitimité d’une modulation de l’indexation des loyers en fonction de critères énergétiques dans un contexte de crise.

