Limitation de l’indexation des loyers et crise énergétique
CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Dans son arrêt n° 32/2024, la Cour constitutionnelle a rejeté majoritairement un recours introduit par deux associations de propriétaires (S et V) demandant l’annulation du décret flamand du 3 octobre 2022. Ce décret limitait temporairement l’indexation des loyers pour les logements peu performants énergétiquement (D, E, F ou sans certificat PEB), en réponse à la crise énergétique. Les requérants contestaient la compétence de la Région flamande, le respect du droit civil fédéral, le principe d’égalité et la protection du droit de propriété. La Cour a validé l’essentiel des mesures décrétales, estimant qu’elles respectaient le principe de proportionnalité, qu’elles poursuivaient un objectif légitime d’intérêt général (logement abordable, incitation à la rénovation), et qu’elles étaient justifiées par l’urgence de la situation énergétique. Toutefois, la Cour a annulé partiellement l’article 2 du décret, en ce qu’il excluait injustement les baux étudiants de plus d’un an du champ d’application de la mesure, créant ainsi une discrimination. Cette décision consacre la légitimité d’une intervention régionale ciblée et temporaire sur les loyers, dans un objectif social et environnemental.
Résumé des faits
Deux associations de bailleurs ont introduit un recours en annulation contre un décret flamand limitant l’indexation des loyers entre octobre 2022 et septembre 2023. Ce décret instaurait un gel total ou partiel de l’indexation pour les logements sans certificat PEB ou avec un label D à F, dans le but de protéger les locataires face à l’explosion des coûts énergétiques. Les requérants estimaient que cette mesure portait atteinte à la sécurité juridique, au droit de propriété, et à leur liberté contractuelle, et qu’elle instaurait des discriminations injustifiées.
Arguments des parties
Les requérants soutenaient :
- que la Région flamande avait outrepassé ses compétences (matière relevant du droit civil fédéral),
- que le décret violait le principe d’égalité entre bailleurs, locataires, logements privés et sociaux, ou selon les labels PEB,
- que le certificat PEB était un critère trop imprécis,
- que la mesure portait atteinte au droit de propriété (article 1er du Protocole additionnel à la CEDH),
- qu’elle était disproportionnée et rétroactive sans période transitoire.
Les Gouvernements flamand, bruxellois et wallon défendaient la mesure, insistant sur son objectif de politique de logement, son urgence, et sa compatibilité avec les compétences régionales.
Raisonnement du tribunal
La Cour a jugé que :
- la Région flamande est compétente pour réglementer les baux d’habitation et leurs modalités d’indexation, même si cela déroge au droit civil fédéral,
- le critère fondé sur le label PEB est objectif et pertinent pour différencier les logements selon leur performance énergétique,
- la mesure poursuivait un double objectif légitime (protection du locataire et incitation à la rénovation),
- les différences de traitement entre bailleurs, entre locataires, ou selon les types de contrats, sont généralement justifiées par les objectifs poursuivis et la situation d’urgence,
- toutefois, l’exclusion des baux étudiants de plus d’un an constituait une discrimination non justifiée et a donc été partiellement annulée.
La Cour a écarté les autres griefs, jugeant que la mesure était proportionnée, temporaire et justifiée, et qu’elle ne portait pas atteinte au droit de propriété au sens de la Constitution ou de la CEDH.
Décision du tribunal
La Cour :
- annule partiellement l’article 2 du décret flamand du 3 octobre 2022 en ce qu’il exclut les baux étudiants de longue durée du champ d’application,
- rejette le recours pour le surplus,
- refuse de maintenir les effets des dispositions annulées, estimant que l’annulation partielle n’affecte pas la sécurité juridique.

