Nullité du bail pour illégalité urbanistique et trouble de jouissance
CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Dans ce jugement, la justice de paix a déclaré nul ab initio le contrat de bail conclu entre un bailleur, et un couple de locataires, au motif que le bien loué (un studio sous combles à Schaerbeek) n’était pas reconnu comme logement par l’urbanisme et ne répondait pas aux normes minimales de salubrité et d’habitabilité. Malgré les tentatives du bailleur de justifier la régularité du logement et de réclamer des indemnités pour loyers impayés, dommages et préavis, le tribunal a rejeté l’essentiel de ses demandes, retenant notamment un trouble de jouissance prolongé en raison d’infiltrations et de défauts structurels non réparés pendant plus de deux ans. La justice a également écarté l’état des lieux unilatéral établi par un expert, n’ayant pas été réalisé de manière contradictoire. Le bailleur a été condamné à restituer une partie de la garantie locative, à verser 3.800 € d’indemnité pour trouble de jouissance, ainsi qu’à supporter la totalité des frais de justice. Cette décision met en évidence les conséquences juridiques sévères pour un bailleur qui met en location un bien sans autorisation urbanistique et en violation des normes de salubrité.
Résumé des faits
En mars 2020, un bail est signé entre Monsieur (bailleur) et un couple (locataires) pour un studio situé sous les combles d’un immeuble à Schaerbeek. Le bail, initialement d’un an, est prolongé tacitement en l’absence de préavis. Dès novembre 2020, les locataires signalent des infiltrations d’eau. Malgré plusieurs échanges, les réparations ne sont effectuées que tardivement, et des travaux intérieurs ne sont jamais réalisés. En septembre 2022, le bailleur envoie un préavis et introduit une action en justice pour valider la fin du bail et obtenir paiement de loyers, indemnités et dégâts. Les locataires contestent et introduisent une demande reconventionnelle, invoquant la nullité du bail, des troubles de jouissance et la restitution de la garantie locative.
Arguments des parties
Le bailleur réclame près de 6.500 € : loyers de février à avril 2023, indemnité de préavis, dégâts locatifs (basés sur un état des lieux unilatéral), et la libération de la garantie locative. Il conteste la nullité du bail et affirme avoir tenté de régulariser la situation.
Les locataires demandent la nullité du bail, la restitution des loyers (27.000 €), une indemnité de 3.800 € pour trouble de jouissance, et la restitution complète de la garantie locative. Ils invoquent le caractère non autorisé du logement en urbanisme, sa surface insuffisante et les nuisances non réparées.
Raisonnement du tribunal
Le juge constate que :
- Le studio n’était pas reconnu comme logement autonome en urbanisme.
- Sa surface de 18,5 m² est inférieure à la norme minimale de 28 m² pour deux personnes.
- Aucune autorisation n’a été apportée, et des preuves montrent que le bailleur a sciemment aménagé et loué un logement illégal.
- Le rapport de la DIRL confirme l’insalubrité : infiltrations non réparées, ventilation défectueuse, matériaux de piètre qualité.
Le tribunal déclare donc le bail nul ab initio, au titre de l’article 5.62 du Code civil. Il considère que les loyers versés ne peuvent être remboursés pour éviter un enrichissement sans cause, mais accorde une indemnité de 3.800 € pour trouble de jouissance, calculée à 125 €/mois pendant 28 mois. L’état des lieux unilatéral du bailleur est écarté au profit d’un état contradictoire établi avec une ASBL, ne retenant qu’un poste de dommage matériel de 500 € (meuble abîmé). Le tribunal écarte également les demandes d’indemnité de préavis, considérant que les locataires ont quitté les lieux volontairement sans donner suite au congé.
Décision du tribunal
Le juge de paix :
- Déclare le bail nul ab initio pour absence de permis d’urbanisme et non-respect des normes de salubrité.
- Condamne le bailleur à verser 3.800 € aux locataires pour trouble de jouissance.
- Ne retient que 500 € de dégâts locatifs, à imputer sur la garantie.
- Ordonne la restitution de 1.000 € de garantie locative, majorée des intérêts légaux.
- Rejette toutes les autres demandes du bailleur.
- Condamne le bailleur à tous les frais de justice, dont 1.350 € d’indemnité de procédure.
- Déclare le jugement exécutoire par provision, nonobstant appel.

