Occupation illégale et expulsion différée pour raisons humanitaires
CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024
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Résumé général
Dans ce jugement, la société J SRL, propriétaire d’un immeuble, a obtenu l’expulsion d’un collectif de femmes sans abri occupant illégalement le bâtiment. L’immeuble, anciennement un hôtel et actuellement à l’état de projet de rénovation, avait été investi par une trentaine de femmes en situation de grande précarité, sans titre ni droit, après que les serrures eurent été forcées. La société avait initialement obtenu une ordonnance d’expulsion en référé, mais celle-ci a été annulée à la suite d’une tierce-opposition. Elle a alors introduit une action au fond devant le juge de paix, qui a reconnu l’occupation sans droit, mais a accordé un délai d’un mois avant l’expulsion, en raison des circonstances exceptionnelles (présence d’enfants, précarité extrême). Le tribunal a rejeté la demande d’astreinte, autorisé la désignation d’un expert pour évaluer les dégâts, et a condamné solidairement les occupantes aux dépens. Ce jugement montre que le droit de propriété l’emporte juridiquement sur le droit au logement, mais que le juge peut moduler l’exécution de l’expulsion pour raisons humanitaires.
Résumé des faits
La SRL J, propriétaire du bâtiment, découvre le 18 janvier 2024 que celui-ci est occupé sans autorisation. Une plainte est déposée. Une ordonnance d’expulsion est obtenue en référé le 23 janvier, mais annulée le 5 février après tierce-opposition. L’occupation est revendiquée par un collectif de femmes sans-papiers, ayant installé leur domicile dans le bâtiment. Le 1er mars 2024, J introduit une citation devant le juge de paix en vue d’obtenir une expulsion par voie ordinaire.
Arguments des parties
La société J demandait au juge :
- de constater l’occupation sans droit ni titre,
- d’ordonner l’expulsion avec effet sous huit jours,
- de prévoir une astreinte de 250 €/jour,
- de désigner un expert pour évaluer les dégâts,
- de condamner solidairement les occupantes aux frais de justice.
Les occupantes, assistées d’un avocat, reconnaissaient leur occupation illégale mais invoquaient :
- leur extrême précarité,
- l’absence de toute solution de relogement,
- leur comportement respectueux des lieux,
- le droit au logement et la dignité humaine (article 23 de la Constitution),
et demandaient à pouvoir rester six mois supplémentaires dans les lieux.
Raisonnement du tribunal
Le juge a constaté :
- que les occupantes reconnaissent l’illégalité de leur présence,
- que l’article 23 de la Constitution ne permet pas de s’installer sans autorisation dans un bien privé,
- que la société J n’abuse pas de son droit de propriété et a un intérêt légitime à récupérer l’immeuble (documents administratifs, risques juridiques et financiers),
- qu’un projet de rénovation est en cours, même s’il n’est pas imminent.
Toutefois, en raison de la situation humaine très précaire (certaines femmes sont accompagnées d’enfants), le juge a estimé qu’un délai d’un mois avant exécution de l’expulsion était justifié, pour permettre aux intéressées de chercher une solution. Il a refusé d’ordonner une astreinte. Il a désigné un expert judiciaire pour estimer les dégâts, avec provision de 1.210 € à charge de J.
Décision du tribunal
Le juge de paix :
- constate l’occupation sans titre ni droit,
- ordonne l’expulsion des occupantes, exécutable un mois après la signification,
- rejette la demande d’astreinte,
- désigne un expert judiciaire pour évaluer les éventuels dégâts dans l’immeuble,
- condamne solidairement les défenderesses aux dépens, pour un total de 1.240,88 €,
- condamne également 30 défenderesses au droit de mise au rôle de 50 € chacune.

