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Responsabilité d’un bailleur pour logement insalubre et expulsion illégale

CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2023 Tags :


Résumé général

Dans cette décision, le juge de paix du premier canton de Schaerbeek a reconnu la responsabilité de la société SRL V pour avoir logé plusieurs personnes dans un immeuble gravement insalubre et pour les avoir expulsées de manière brutale et illégale. Les trois demandeurs, sans titre de séjour mais occupant les lieux en vertu de baux verbaux ou informels, avaient vécu dans des conditions précaires (installations électriques et sanitaires défaillantes, présence de nuisibles, absence de chauffage, etc.) avant que certaines de leurs chambres ne soient démolies sans avertissement. Le tribunal a constaté l’existence de baux, leur nullité pour cause urbanistique, mais a reconnu que les loyers avaient bien été payés. Il a condamné la société à verser des indemnités pour trouble de jouissance, expulsion sauvage, et frais de relogement, tout en rejetant les demandes reconventionnelles de loyers impayés. Cette décision marque une reconnaissance claire des droits des occupants précaires à un logement décent et à une protection contre les pratiques abusives de propriétaires agissant hors cadre légal.

Résumé des faits

Les trois demandeurs occupaient depuis plusieurs mois des chambres situées dans un immeuble vétuste à Schaerbeek, propriété de la SRL V. Certains y résidaient depuis 2019. Le bâtiment avait été transformé illégalement en logements étudiants sans permis d’urbanisme. En avril-mai 2022, la société a procédé à des démolitions internes et à l’expulsion de plusieurs occupants sans décision de justice. Une enquête administrative a ensuite établi l’insalubrité du lieu. Les demandeurs ont introduit une action pour faire reconnaître leurs droits et obtenir réparation.

Arguments des parties

Les demandeurs invoquaient un trouble de jouissance grave, des conditions de logement indignes, et une expulsion violente. Ils demandaient la restitution des loyers perçus, des indemnités pour les troubles subis et le remboursement des frais de relogement.

La société V soutenait que les demandeurs occupaient illégalement les lieux, sans baux réguliers, et réclamait, à titre reconventionnel, le paiement de loyers qu’elle estimait impayés depuis 2019 à 2022.

Raisonnement du tribunal

Le juge a reconnu que :

  • Les baux étaient valablement établis, y compris à titre verbal, sur base de nombreux éléments concordants.
  • Ces baux étaient nuls ab initio en raison de l’absence de permis d’urbanisme pour un usage résidentiel, mais cela n’exclut pas le droit à une indemnisation.
  • Les demandeurs ont bien payé leurs loyers, même en l’absence de preuves écrites, étant donné la gestion informelle imposée par le bailleur.
  • Les conditions de logement étaient indignes au vu des constats d’inspection : humidité, parasites, installations défectueuses, sécurité absente.
  • L’expulsion brutale de certains locataires, sans décision judiciaire, constitue une violation manifeste de leurs droits.

La demande de restitution intégrale des loyers a été écartée pour éviter un enrichissement sans cause, mais des indemnités pour trouble de jouissance et expulsion sauvage ont été accordées.

Décision du tribunal

La SRL V a été condamnée à verser :

  • 4.375 € à L pour trouble de jouissance, 900 € pour expulsion sauvage, 450 € pour relogement.
  • 1.225 € à A pour trouble de jouissance, 1.980 € pour expulsion sauvage, 450 € pour relogement.
  • 875 € à T pour trouble de jouissance, 450 € pour relogement (pas d’expulsion reconnue).

La demande de la société V de récupérer des arriérés de loyers a été rejetée. Elle a été condamnée aux frais de procédure pour un total de 3.772 €, et le jugement a été déclaré exécutoire par provision.

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