< Retour

Précarité constante et préoccupante en Région bruxelloise. Chiffres et constats du dernier « Baromètre social »

Mis à jour le : 24/10/2024

Dans son « Baromètre social 2023 » publié en 2024[1], l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale[2] fait état d’un contexte socioéconomique global préoccupant, post-crise covid et crise énergétique, dans un cadre d’inégalités particulièrement importantes au sein de la population bruxelloise. Le Baromètre balaie les questions de l’emploi, de la santé, de la protection sociale, du logement, …Nous nous limiterons à évoquer les thèmes en rapport immédiat avec nos missions.

[1] Baromètre social 2023, Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté et des inégalités sociales et de santé, publié en mars 2024, 162 p. Pour consulter le Rapport et son résumé :  https://www.vivalis.brussels/sites/default/files/2024-03/Barometre-2023-FR_1.pdf ; https://www.vivalis.brussels/sites/default/files/2024-03/Barometre-2023-resume-FR.pdf

[2] L’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale est le service d’étude des services du Collège réuni de la Commission communautaire commune. Il fournit aux personnes, institutions et services qui élaborent les politiques sociales et de santé publique en Région bruxelloise les informations utiles à leurs missions. Voyez Vivalis.brussels.

Quelques chiffres au sujet de la précarité de la population en RBC

Pauvreté et inégalités sociales

Le « Baromètre social 2023 » rapporte que, depuis plus ou moins 20 ans, environ 1/3 de la population vit avec un revenu sous le seuil de pauvreté. Si le taux de risque de pauvreté est donc relativement stable depuis des années dans la Région – à savoir entre 25 % et 33 %[1] -, certains indicateurs indiquent une dégradation de la situation sociale.

À titre d’exemple, le nombre de bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale a augmenté de 58% en 10 ans – entre 2013 et 2023 – pour atteindre plus de 45000 personnes (alors qu’on comptait 28500 bénéficiaires en 2013).

Les inégalités sociales sont également plus marquées dans la Région : les personnes pauvres y sont plus pauvres et les personnes riches, plus riches. En effet, les 10 % de la population avec les plus bas revenus disposent d’un revenu disponible par personne de moins de 985€/mois en Région bruxelloise (contre moins de 1250€/mois en Belgique). À l’autre extrême, les 10 % des personnes les plus aisées disposent d’un revenu supérieur à 4120€/mois par personne en Région bruxelloise (contre plus de 3735€/mois en Belgique).

Par ailleurs, les familles nombreuses et monoparentales sont particulièrement exposées au risque de pauvreté en Région bruxelloise[2].

De nombreuses personnes sont plongées dans une situation de surendettement.

[1] Alors qu’il est de 18 % en Région wallonne et de 8 % en Flandre.

[2] Six enfants sur dix ouvrent le droit à un supplément social pour les allocations familiales en Région bruxelloise. Ces proportions d’enfants ouvrant le droit à un supplément social atteignent jusqu’à 80 % des enfants à Saint-Josse-ten-Noode et 77 % à Molenbeek-Saint-Jean.

Vieillissement de la population

Un autre élément important à soulever est que la population bruxelloise, à la base plus jeune que dans les autres Régions, fait face à un phénomène de vieillissement.

D’après les projections démographiques, le nombre de personnes de plus de 65 ans continuerait à croître de façon significative au cours des prochaines années (+13% entre 2023 et 2033). Or, une partie importante de la population âgée bénéficie de la GRAPA en Région bruxelloise (13% de la population de plus de 65 ans). Ce chiffre est 3 fois plus élevé que dans les autres Régions.

Ce phénomène ne pourrait que s’accroitre encore, ce qui engendre de nouveaux défis en termes de protection sociale.

Pour rappel d’ailleurs, le Centre d’Appui SocialEnergie a lancé un projet relatif à la précarité énergétique subie par les personnes âgées. Nous vous informerons de nos premiers constats et actions dans une prochaine newsletter !

Le logement, comme facteur aggravant de la précarité

Le coût et la qualité du logement en Région bruxelloise participent à la précarisation grandissante d’une population dans l’incapacité d’habiter un logement décent sans mettre à mal d’autres dépenses essentielles à une vie digne.

Coût du logement

Comme nous le savons, la Région bruxelloise est caractérisée par son nombre particulièrement élevé de logements loués – environ 62% – et des loyers élevés. Le Baromètre social pointe l’augmentation importante des loyers entre 2012 et 2022 par rapport aux autres Régions : « le loyer moyen en termes réels sur le marché privé a augmenté de 15% en Région bruxelloise, contre 7% en Flandre et 1% en Wallonie »[1]. Dans ce contexte, « les dix pourcents des Bruxellois avec les plus faibles revenus vivent dans des ménages qui consacrent plus de 45% de leurs revenus aux dépenses liées au logement »[2].

Voyez les graphiques suivants du Baromètre social 2023 (pp. 108 et 109) :

 

Par conséquent, le poids des dépenses de logement dans le budget des Bruxellois exacerbe encore les inégalités : après paiement des dépenses de logement, les revenus disponibles par personne varient de 9€ par jour pour les plus précarisés à 100€ par jour pour les plus favorisés.

Réorienter les candidats-locataires vers les logements sociaux n’est pas une solution concrète à court terme, dès lors que les demandes de logements sociaux ont augmenté, de même que les listes d’attente : 52850 ménages étaient ainsi en attente d’un logement social en Région bruxelloise au 31 décembre 2022[3].

[1] Baromètre social 2023, op cit., p. 137.

[2] Ibidem.

[3] Ibidem.

Qualité du logement

Outre la problématique du nombre de logements et de leur coût, la question de leur qualité inquiète. En Région bruxelloise, « 32% de la population vit dans un logement qui présente des défauts importants, tels que des problèmes d’humidité, de fuites dans la toiture, un manque de lumière ou l’absence de sanitaires à l’usage unique du ménage »[1].

 

Enfin, d’après le Baromètre social 2023, « les données de l’enquête UE-SILC 2022 permettent d’estimer la part des logements bruxellois qui peuvent être considérés comme surpeuplés. Les conséquences du surpeuplement du logement sont multiples et dépassent la simple question du confort de vie. Le surpeuplement impacte la santé (entre autres des problèmes de santé mentale du fait du stress induit, ou des pathologies respiratoires du fait de phénomènes de condensation et d’humidité de l’air). À Bruxelles, 30% de la population vit dans un logement surpeuplé (en considérant la définition du surpeuplement de Statbel). (…) Chez les Bruxellois en situation de risque de pauvreté, environ la moitié de la population vit dans un logement trop exigu »[2].

Or, le surpeuplement et l’humidité du logement aggravent aussi, à l’évidence, considérablement l’inconfort thermique[3].

Enfin, l’Observatoire rappelle que, selon Bruxelles Environnement, en 2020, seule la moitié des habitations individuelles ont été certifiées du point de vue de leurs performances énergétiques. Par ailleurs, en Région bruxelloise, en 2020 toujours, 35 % des logements pour lesquels il existait un certificat avaient un PEB de la « première catégorie » (de A à D), 20 % de la « deuxième » (PEB E), et 45 % de la dernière (PEB F ou G)[4].

La tâche en termes de rénovation du bâti s’avère, dès lors, colossale.

[1] Baromètre social 2023, op cit., pp. 117 et 137.

[2] Baromètre social 2023, op cit., p. 116.

[3] Voyez notamment : https://inegalites.fr/Logement-inegalites-environnementales.

[4] Baromètre social 2023, op cit., p. 118.

Eau et énergie

Le Baromètre social 2023 tire ses analyses, au sujet de la précarité énergétique et hydrique, notamment du Baromètre sur la précarité énergétique, publié en mars 2023[1]. Depuis lors, un nouveau Baromètre sur la précarité énergétique a été diffusé, que nous résumerons prochainement.

Au sujet de la précarité hydrique, le Baromètre social 2023 fait part de son inquiétude au sujet de l’augmentation du coût de l’eau (dont celle de 15 % en 2023), mais aussi du taux de non recours à l’« intervention sociale eau » : 38,3% des ménages pouvant prétendre à cette aide n’en ont pas bénéficié, soit plus de 60000 ménages.

Le Baromètre social 2023 met également en évidence l’importance du maintien des protections sociales diverses à l’échelle fédérale (tarif social fédéral) et régionale, parmi lesquelles, le statut de client protégé, singulièrement dans un contexte d’instabilité des prix de l’énergie.

Enfin, il est intéressant ici de relayer l’Avis d’initiative, rendu en juillet 2024, par Brupartners à la suite du Baromètre social 2023, dans lequel il appuie la nécessité de lutter contre la précarité énergétique et hydrique[2]:

« La précarité énergétique et hydrique est une réalité pour de nombreux Bruxellois en situation de précarité. Elle a été particulièrement exacerbée pendant les périodes de crises récentes. Brupartners fait ici référence aux points centraux de son avis d’initiative sur la précarité énergétique et hydrique[3], en particulier :

– Brupartners insiste quant aux conséquences de la précarité énergétique et hydrique sur la santé et les coûts que cela engendre ;

– Brupartners invite à la sensibilisation des professionnels de la santé quant aux conséquences néfastes que la précarité énergétique et hydrique et le mauvais logement peuvent avoir sur la santé des patients ;

– Brupartners encourage à une réflexion sur les conditions d’accès au tarif social et aux mesures d’aide. Brupartners demande qu’une analyse de ces conditions soit effectuée afin que le tarif soit octroyé à davantage de personnes dans le besoin. La Plateforme de lutte contre la précarité énergétique recommande, entre autres, d’octroyer le tarif social énergie sur base des revenus et non seulement sur la base de statuts sociaux ;

– Brupartners invite également à être attentif à la situation des copropriétés. En effet, le tarif social énergie, qu’il soit fédéral ou régional n’est pas accessible aux personnes qui vivent dans un immeuble à appartements avec une chaufferie commune, sauf s’il s’agit d’un immeuble « social » (géré par une agence immobilière sociale, un CPAS, une société de logement social…) ;

– Brupartners estime fondamental que les fournisseurs d’énergie assurent un service-client de qualité et performant. Trop souvent, la lecture des factures reçues est compliquée pour les clients qui doivent, de ce fait, pouvoir s’adresser à un service compétent afin de répondre à des questions légitimes. Dans ce cadre, Brupartners encourage la mise en place d’une obligation de disposer de bureaux accessibles au public. Un tel service de qualité pourrait par ailleurs diminuer la pression sur les services sociaux qui sont surchargés de demandes de clarification et d’explications ;

– Brupartners soutient les nouvelles conditions d’accès au statut de client protégé qui permettent d’en bénéficier dès un premier rappel de paiement d’une facture d’énergie sans devoir attendre l’envoi d’une mise en demeure. En effet, cela permet aux ménages concernés de ne pas accumuler des dettes trop importantes avant la mise en place du mécanisme.

 

 

[1] Voyez notre résumé du Baromètre sur la précarité énergétique, publié en mars 2023 : https://www.socialenergie.be/fr/dernier-barometre-de-la-precarite-energetique/

[2] Avis d’initiative Brupartners Baromètre social 2023 : Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté et des inégalités sociales et de santé, Avis adopté par l’Assemblée plénière du 18 juillet 2024, p. 13

[3] https://www.brupartners.brussels/sites/default/files/advices/A-2024-026-BRUPARTNERS-FR.pdf