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Primes énergie et égalité de traitement

CATÉGORIE : Relations propriétaire-locataire VECTEUR : Logement TYPE : Justice Année : 2024 Tags :


Résumé général

Par son arrêt n° 65/2024, la Cour constitutionnelle rejette plusieurs recours en annulation visant la loi du 19 décembre 2022 relative aux secondes primes fédérales d’électricité et de gaz. Ces recours émanaient de particuliers se chauffant exclusivement à l’électricité, ainsi que de résidents en habitat collectif (notamment en centres de soins résidentiels), qui dénonçaient une inégalité de traitement dans l’octroi de ces primes. Les requérants estimaient que l’exclusion des ménages sans contrat individuel d’énergie, ou ceux utilisant exclusivement l’électricité pour se chauffer, était discriminatoire. La Cour a toutefois jugé que les catégories concernées n’étaient pas traitées de manière inconstitutionnelle. Elle reconnaît que les différences de traitement sont basées sur des critères objectifs et proportionnés aux objectifs socio-économiques du législateur, notamment la nécessité de répondre rapidement à la crise énergétique. Elle souligne que les bénéficiaires exclus sont indirectement confrontés à la hausse des prix, mais de manière atténuée via les dispositifs collectifs. L’arrêt met en lumière la large marge d’appréciation du législateur dans les politiques de crise, même en cas d’inégalités apparentes, dès lors qu’elles reposent sur une justification raisonnable et un objectif légitime.

Résumé des faits

À la suite de la hausse brutale des prix de l’énergie, le législateur belge a adopté deux lois (octobre et décembre 2022) pour accorder des primes forfaitaires aux ménages. Plusieurs personnes physiques et associations ont contesté la constitutionnalité de ces mesures, notamment l’absence d’aide équivalente pour les ménages chauffés uniquement à l’électricité ou vivant en habitat collectif sans contrat personnel de fourniture d’énergie.

Arguments des parties

Les requérants ont invoqué une violation des articles 10 et 11 de la Constitution (égalité et non-discrimination), ainsi que des traités internationaux. Ils dénoncent des différences de traitement injustifiées :

– entre ménages se chauffant au gaz/gasoil/propane et ceux à l’électricité,

– entre titulaires de contrats individuels et résidents de centres collectifs,

– entre personnes âgées/handicapées et les autres, en raison d’une discrimination indirecte fondée sur la situation ou le handicap.

Ils soutiennent que les primes devraient être accordées en fonction de la consommation ou des coûts réellement supportés.

Le Conseil des ministres a rétorqué que les critères utilisés sont objectifs, simples et permettent une mise en œuvre rapide, visant à toucher un maximum de bénéficiaires dans le cadre des compétences fédérales. Il ajoute que les bénéficiaires exclus sont en partie protégés via d’autres dispositifs ou aides indirectes.

Raisonnement du tribunal

La Cour a d’abord statué sur la recevabilité des recours : certains ont été rejetés faute d’intérêt direct, mais d’autres ont été jugés recevables, notamment ceux émanant de personnes vivant dans des centres de soins. Sur le fond, elle reconnaît que des différences de traitement existent mais les estime justifiées par le contexte de crise et la nécessité d’une réponse rapide. Elle rappelle que le législateur dispose d’une large marge d’appréciation en matière socio-économique. Pour les ménages se chauffant uniquement à l’électricité, la Cour note que bien qu’ils ne reçoivent pas autant d’aides que d’autres, ils bénéficient d’autres mesures (TVA réduite, etc.). Quant aux résidents de centres collectifs, la Cour considère qu’ils ne supportent pas directement les coûts énergétiques, ceux-ci étant intégrés dans le tarif journalier, souvent régulé. L’éventuelle discrimination indirecte fondée sur l’âge ou le handicap est jugée justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

Décision du tribunal

La Cour constitutionnelle rejette tous les recours. Elle conclut que les dispositions attaquées de la loi du 19 décembre 2022 ne violent pas les principes d’égalité et de non-discrimination et qu’aucune des catégories concernées n’a subi une atteinte injustifiée à ses droits. Les mesures contestées sont jugées constitutionnellement valables dans le cadre des politiques d’urgence adoptées face à la crise énergétique.

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