Saisir le juge de paix

Mis à jour le : 14/04/2020

La justice de paix est une juridiction civile qui traite les affaires touchant notamment à la vie familiale, au voisinage, au logement, etc. Elle est également compétente en matière d’énergie et d’eau.

Concernant l’énergie, si le litige ne concerne ni les « obligations de service public » relatives à la fourniture de gaz, d’électricité ou d’eau précisées dans les ordonnances, ni les récupérations de créances énergétiques, le juge de paix ne pourra être saisi que si la somme en jeu est inférieure à 5000€. Au delà de ce montant, il faut s’adresser au Tribunal de 1ère instance.

Tout le monde peut faire appel au juge de paix en cas de litiges entre un fournisseur et un consommateur, ou entre locataire et propriétaire. Il n’y a pas de conditions d’accès. Le juge de paix compétent est celui du lieu où est situé le bien ou le logement concerné.

Pourquoi saisir le Juge de paix?

L’usager peut aller en justice de paix pour :

  1. Obtenir une conciliation

La  conciliation est une procédure gratuite qui ne nécessite pas le concours d’un avocat. Elle permet de tenter de concilier les parties, afin de trouver un accord. Si la conciliation venait à échouer, la partie plaignante peut intenter un procès.

La conciliation peut s’envisager indépendamment ou avant de poursuivre l’affaire en procès, mais elle ne peut en aucun cas s’envisager à la suite d’un procès.

  1. Intenter un procès

Le procès est une procédure coûteuse qui consiste à porter l’affaire en justice. Le juge de paix est alors chargé de trancher le litige, opposant les parties concernées, par un jugement.

La conciliation en justice de paix

Le rôle de conciliateur du juge de paix est souvent sous-estimé. Pourtant, la conciliation permet d’éviter une procédure longue et coûteuse, en tentant de trouver un arrangement entre les parties.

La procédure se déroule de la manière suivante :

1. Introduction de la demande

Pour introduire une demande de conciliation, la partie plaignante (locataire ou propriétaire) doit se rendre au greffe du canton de justice de paix dans lequel est situé le logement et introduire la demande soit verbalement, soit par écrit.

La demande peut également être envoyée par la poste. Il s’agit d’envoyer un courrier ordinaire avec les mentions suivantes :

  • les noms, prénom et adresse de la partie plaignante
  • l’identité (nom et prénom) et l’adresse de la partie adverse (ou de toutes les parties adverses) à convoquer
  • un bref exposé des faits
  • l’objectif de la conciliation
  • la demande de convocation des parties en vue de procéder à une conciliation

2. Convocation des parties

Les parties sont ensuite convoquées par lettre recommandée à comparaître devant le juge de paix.

3. Résultats de la conciliation

Pour que la conciliation réussisse, les deux parties doivent être présentes et être d’accord avec les propositions du juge. Deux cas peuvent se présenter :

  1. lorsque le juge parvient à dégager un accord qui satisfait les intérêts des deux parties opposées, l’accord rédigé par le greffier et signé (par le juge, par le greffier et par les parties) a la même valeur qu’un jugement.
  2. Lorsqu’un accord ne peut être obtenu, la procédure de conciliation prend fin et la seule possibilité restante est d’entamer une procédure judicaire en intentant un procès.

Le procès en justice de paix

Les tentatives de conciliation peuvent échouer, dans ce cas, la partie plaignante a encore l’opportunité d’intenter un procès. La partie plaignante paye un « droit de mise au rôle », il s’agit d’une indemnisation (dont le montant peut s’élever de 40 à 60 euros) pour l’ouverture du dossier au tribunal.

La procédure se déroule de la manière suivante :

1. introduction de la demande

Pour intenter un procès en justice de paix, il faut introduire une demande précise au greffe de la justice de paix du canton judicaire dans lequel est situé le logement/le bien loué.

La demande peut être introduite de 3 manières différentes :

  1. introduction d’une citation
    Il s’agit d’un document officiel délivré par un huissier de justice au domicile de la partie invitée à comparaître. C’est la procédure la plus courante, mais également la plus coûteuse (de 75 à 200 euros). La citation implique également un délai de minimum 8 jours.
  2. Introduction d’une requête écrite
    Pour certaines matières, et entre autre en matière de bail, la requête peut être utilisée. Ce mode d’introduction est peu onéreux. La requête est déposée par le demandeur (ou son avocat) au greffe de la justice de paix. Elle peut également être envoyée par la poste.Pour que l’introduction de la requête soit effective, il faut que le droit de mise au rôle (dont le montant équivaut approximativement à 52 euros) soit payé.

Documents et informations à joindre à la requête
La requête doit obligatoirement contenir l’identité de toutes les personnes concernées et indiquer clairement quelle condamnation est souhaitée. En fonction de l’affaire traitée, d’autres documents doivent être joints à la requête (certificat de domicile de la partie adverse, etc.). Pour plus d’informations à propos des informations et documents requis, il est préférable de contacter le greffe.

  1. Comparution volontaire
    Cette procédure, gratuite, s’applique généralement entre avocats. Les parties (et/ou leurs avocats) décident, de commun accord, de comparaitre de manière volontaire devant le juge de paix. Dans ce cas, les deux parties (et/ou leurs avocats) soumettent ensemble une demande déterminée au juge. Cette procédure permet de réduire les frais de justice, en évitant les frais de requête ou les frais de citation.

2. Convocation, préparation et représentation des parties

  1. Convocation
    La partie plaignante reçoit les détails de l’audience (date, lieu, heure). La partie citée à comparaître reçoit les informations par pli judiciaire (requête) ou par citation.
  2. Préparation
    Il est important que les personnes se fassent accompagner dans la préparation de la procédure en justice. Pour ce faire, vous pouvez :
    • vérifier avec votre usager si la procédure envers le propriétaire a bien été respectée
    • l’aider à constituer le dossier en veillant à ce qu’il compile tous les documents utiles (lettres adressées au propriétaire, courriers recommandés, preuves de paiement de loyer, photos, déclarations, etc.)
    • lui transmettre un document reprenant les éléments utiles à mentionner au juge de paix et les principaux arguments à exposer en sa faveur

Documents et preuves 
Au total, trois jeux de pièces sont nécessaires : l’un pour le juge, un autre pour la partie adverse et un dernier pour la personne elle-même. Il est crucial que les personnes pensent à photocopier pour elles-mêmes l’ensemble des documents et des preuves qu’ils apportent à la connaissance du juge de paix et de la partie adverse afin de se prémunir en cas de perte, par exemple. Si les documents sont nombreux, il est bienvenu de numéroter les documents et d’en dresser un inventaire.

  1. Représentation
    Pour être représentée à l’audience, la personne peut décider :
    • de comparaître et se défendre elle-même
    • de faire appel à un avocat afin qu’il la représente
    • de demander à un membre de sa famille (conjoint, parent ou allié) porteur d’une procuration écrite de la représenter

Si l’affaire est complexe, il est judicieux de prendre un avocat. Les personnes disposant de peu de revenus peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un avocat pro deo, dont les honoraires sont réduits.

3. Audience d’introduction

Les parties sont convoquées à une première audience.

  1. De manière générale, vous pouvez insister auprès de vos usagers sur les points suivants. Il est particulièrement recommandé :
    • d’être ponctuel
    • de ne pas omettre de se présenter au huissier d’audience, qui prend note des personnes présentes
    • de se présenter devant le juge de paix et de lui présenter carte d’identité et procuration éventuelle
    • de se faire accompagner, si possible, par quelqu’un qui connait le sujet abordé (travailleurs social, juriste, associations, etc.)

Accompagnement des usagers
Seul l’avocat est autorisé à intervenir durant l’audience, la personne accompagnant (travailleurs social, juriste, associations, etc.) ne peut donc pas intervenir.

  1. Lors de la première audience, le juge de paix peut décider que l’affaire soit :
    • examinée immédiatement
      Il s’agit principalement d’affaires simples ou urgentes pouvant être traitées oralement au cours de l’audience même. L’affaire est immédiatement plaidée. Le juge écoute les explications des parties et prononce son jugement peu après. Les personnes le reçoivent chez elles par la poste.
    • Remise à une date déterminée (une semaine, un mois ou plus)
      L’intervalle permet de remettre les pièces à la partie adverse. Il est important de bien prendre note de la date, la partie absente peut être jugée par défaut.
    • Remise à une date indéterminée
      Il s’agit principalement d’affaires qui ne sont pas urgentes ou qui nécessitent un délai plus long pour la rédaction de conclusions. L’affaire fait alors l’objet d’un renvoi au rôle afin de permettre aux parties de déposer leurs conclusions, par le biais de leurs avocats

4. Les plaidoiries

Lorsque les avocats ont rédigé et échangé leurs conclusions, ils demandent conjointement et par écrit que l’affaire soit plaidée. Approximativement, trois semaines suivant l’introduction de la demande de plaidoirie, un courrier est envoyé à l’ensemble des parties, mentionnant le lieu, la date et l’heure des plaidoiries (il peut arriver que la date des plaidoiries soit fixée quelques mois plus tard).

Durant les plaidoiries, chaque partie peut s’exprimer à tour de rôle. La partie demanderesse, à l’initiative de la plainte et de la procédure, commence. Ensuite, c’est au tour de la partie adverse d’exposer son point de vue.

5. Le jugement

Le jugement peut être prononcé le jour même des plaidoiries, ce qui est très rare. Lorsque le juge ne prononce pas le jugement immédiatement, le jugement est envoyé par la poste, après délibération.

  • Condamnation
    La partie perdante doit se conformer spontanément et le plus rapidement possible au jugement.
    Il est dans l’intérêt de la partie perdante de réagir au plus vite, notamment si des frais sont à payer. En effet, un huissier de justice signifie le jugement. Ensuite seront éventuellement pratiquées des saisies sur les biens ou sur les salaires, ces procédures entraînant des frais supplémentaires.
  • Condamnation par défaut
    Dans un délais d’un mois après la signification du jugement, si la partie défenderesse ne s’est pas présentée devant le juge, elle est condamnée par défaut et, par conséquent, la partie adverse a gain de cause automatiquement.

Et après?

Il existe deux possibilités (non cumulatives) de recours contre la décision du juge de paix. Celles-ci dépendent du type de jugement (contradictoire ou par défaut) et du montant de la condamnation.

Condamnation > possibilité d’appel
Si la partie perdante conteste le jugement et que le montant réclamé à la base est supérieur à 2000€, il est possible de faire « appel » de la décision du juge de paix, dans un délai d’un mois à partir de la signification du jugement. C’est à dire que l’affaire est réexaminée par le tribunal de Première Instance. Il est conseillé de se faire aider et accompagner par un avocat.

Condamnation par défaut > possibilité d’opposition

Il est possible de faire opposition contre un jugement du Juge de paix rendu par défaut (une des parties n’a donc pas pu faire valoir ses arguments), endéans le mois qui suit la signification du jugement, mais uniquement si le jugement porte sur une demande dont le montant était inférieur ou égal à 2000 €. L’affaire est alors examinée en profondeur par le même juge de paix, en tenant compte des arguments de la partie lésée.

Ainsi, il n’est plus possible d’introduire un recours contre les jugements contradictoires rendus par le Juge de Paix, à savoir en présence du fournisseur et de l’usager, sur une dette énergétique ou d’eau dont le montant est inférieur à 2000 €. Cela peut s’avérer particulièrement problématique lorsque le juge de Paix dont on dépend (le juge de Paix compétent est celui du domicile de la personne endettée) a une jurisprudence peu favorable aux personnes précarisées (ex. maîtrise aléatoire des ordonnances applicable et des mesures sociales en matière d’énergie et eau ; octroi de plans de paiement demeurant difficiles à respecter pour l’usager,…).

Le jugement est dit de dernier ressort (ou de dernière instance) s’il n’est possible ni de faire opposition ni de faire appel d’un jugement. C’est par exemple le cas pour les jugements contradictoires portant sur un litige inférieur à 2000 euros.