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Les marchands de sommeil

Mis à jour le : 16/09/2025

L’infraction de marchand de sommeil vise la pratique consistant à abuser, soit directement, soit par un intermédiaire, de la position particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve une personne en lui vendant, louant ou mettant à disposition un bien meuble ou un bien immeuble, dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine, dans l’intention de réaliser un profit anormal.

Quand parle-t-on de « marchand de sommeil » ?

La condamnation comme « marchand de sommeil » ne peut être prononcée qu’au pénal. Un Juge de Paix n’a pas la compétence de constater l’existence d’une infraction pénale. Il peut néanmoins constater l’insalubrité et les troubles de jouissance qui en découlent.

Pour obtenir une condamnation pénale comme « marchand de sommeil », il faut donc cumuler :

1. Une location, une mise à disposition ou la vente d’un bien meuble ou immeuble

Il peut donc s’agir d’un appartement, d’une chambre, d’un matelas, d’une caravane, d’un container, d’un bus, d’une péniche, …

2. Dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine

Ceci recouvre les situations suivantes :

  • Absence, insuffisance ou dangerosité manifeste d’équipement électrique ou sanitaire
  • Surface trop petite par rapport au nombre d’occupants
  • Risques pour la santé et la sécurité : incendie, électrocution, intoxication au CO, chute, …
  • Insalubrité

3. Engendrant un profit anormal

Le profit anormal sera apprécié par le juge en fonction des valeurs normales du marché et les montants perçus par le bailleur.

Si une autorité déclare le bien comme insalubre et en interdit l’occupation, le profit sera automatiquement considéré comme anormal puisqu’aucun montant n’aurait dû être perçu.

4. En abusant de la situation vulnérable de la victime

Cette situation vulnérable peut être le résultat de plusieurs facteurs : de sa situation administrative illégale ou précaire ou de sa situation sociale précaire, de son âge, d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale. La situation sociale précaire recouvre de nombreuses situations.

5. Intentionnellement

Il faut également prouver l’intention du profit, en pleine connaissance de cause de la situation vulnérable de la victime et de l’état du logement.

Quels risques pour le marchand de sommeil ?

Une personne condamnée comme « marchand de sommeil » risque cumulativement :

  • Le versement d’indemnités aux victimes qui se constitueraient parties civiles.
  • Une amende, proportionnelle au nombre de victimes.
  • La confiscation du bien en cause.
  • Une peine d’emprisonnement[1].

Qu’arrive-t-il aux victimes qui portent plainte ?

Il est prévu que les victimes puissent être accueillies ou relogées, les frais de relogement étant à charge du prévenu et, s’il est finalement acquitté, de l’Etat ou du CPAS compétent.

Dans les faits, le relogement est rarement garanti, encore moins si la victime est en séjour illégal.

Le versement d’indemnités par les condamnés aux victimes, même quand il est prononcé, il a rarement lieu parce que les auteurs de cette infraction organisent généralement leur insolvabilité. Nous vous conseillons à ce titre la lecture de cet article de Nationale 4 concernant un immeuble à Schaerbeek.

Comment améliorer la situation ?

Pour que davantage de personnes fassent appel à la justice lorsqu’elles sont victimes d’un marchand de sommeil, nous voyons plusieurs leviers :

  • Augmenter le montant des amendes prononcées à l’encontre des coupables.
  • Prévoir une saisie conservatoire automatique des bâtiments dès qu’une enquête pénale s’enclenche, suivie d’une confiscation automatique dès qu’une condamnation est prononcée. Ceci permettrait alors d’indemniser les victimes sur le produit de la vente.
  • Supprimer aux personnes condamnées le droit, au moins pour un temps, d’être bailleurs.

Aller plus loin

Pour aller plus loin, nous vous proposons le commentaire de deux décisions de justice condamnant des marchands de sommeil, à Schaerbeek et à Leuven. Nous vous invitons également à lire la revue Juris Logement qui donne une vue de la législation appliquée en France.

Si vous pensez avoir affaire à une victime d’un marchand de sommeil, n’hésitez pas à contacter le Centre d’Appui SocialEnergie au 02 526 03 00 ou par e-mail à socialenergie@fdss.be.

[1] Notons que le Code pénal actuel a fait l’objet d’une profonde refonte et le nouveau Code pénal entrera en vigueur le 8 avril 2026. Le point de départ de la réécriture du Code était de prévoir davantage de peines sur mesure et de n’envisager la peine d’emprisonnement qu’en dernier recours, en tant qu’ultime « remède ». Le Code prévoira dorénavant huit niveaux de peine, le grade 8 étant le plus sévère.
Ainsi, désormais, l’infraction de marchand de sommeil – dont les éléments constitutifs demeurent les mêmes – sera qualifiée de niveau 2 (ce qu’on peut légitimement déplorer, en termes de signal aux auteurs), c’est-à-dire que la peine d’emprisonnement de six mois a trois ans restera possible mais uniquement si l’objectif de réhabilitation ne peut être atteint par un autre type de peine, telles des sanctions financières. La confiscation de l’objet de l’infraction est néanmoins toujours explicitement prévue.