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Nouveaux Baromètres de la précarité énergétique et hydrique !

Publié le: 10/08/2022 - Mis à jour le : 11/08/2022

La 8e édition des Baromètres de la précarité énergétique et hydrique vient de paraître en juin 2022[1] ; ils concernent des données de l’année 2020, présentées par Région, tout en analysant les tendances. Nous ferons logiquement un focus sur la situation en Région bruxelloise.

Les auteurs du Baromètre rappellent préliminairement que cette édition revient sur une année plutôt chahutée, suite à la crise sanitaire et aux périodes de confinement. Le ralentissement économique mondial a fait chuter les prix des énergies telles que l’électricité, le gaz et le mazout de chauffage pendant le premier semestre de l’année 2020. Les prix de ces principaux vecteurs énergétiques ont, certes, quelque peu augmenté à nouveau au second semestre 2020 mais sans atteindre les hausses vertigineuses des premiers mois de 2022.

C’est à l’aune de ces précisions capitales que doivent être interprétées les données recensées. En effet, l’explosion des prix de l’énergie depuis le second semestre 2021 impactera sans aucun doute les taux futurs de précarité énergétique, pour les années 2021-2022.

La précarité énergétique

Définition de la précarité énergétique

Le baromètre retient la définition suivante : « La précarité énergétique fait référence à une situation dans laquelle une personne ou un ménage rencontre des difficultés particulières dans son logement à satisfaire ses besoins élémentaires en énergie. » (Huybrechs et al., 2011)[2]. En précisant que les causes en sont multiples : faibles revenus, prix des énergies et de l’eau, qualité du bâti, comportement des utilisateurs.

Le Centre d’Appui SocialEnergie épingle systématiquement d’autres causes additionnelles et fondamentales à la précarité énergétique : le non-recours aux protections sociales existantes, les complexités administratives du marché et l’opacité de certaines pratiques de fournisseurs,…

Quelques chiffres éclairants (de 2020)

Facture énergétique

Selon l’enquête BE-SILC, la facture énergétique médiane des ménages s’élevait à 129€/mois en 2020, soit près de 10€ de moins qu’en 2019.

Prix des énergies

2020 a enregistré une chute très importante des prix de l’électricité, du gaz naturel et du mazout de chauffage à la suite de la première vague de Covid-19 et au ralentissement économique provoqué par le confinement strict du printemps. Le baromètre en dresse les courbes (p.9).

En moyenne, précisent les auteurs, 70 % à 80 % de la consommation d’énergie d’un ménage dans le logement en Belgique sont consacrés au chauffage et à l’eau chaude sanitaire (le reste à la consommation électrique des équipements autres). Les principaux vecteurs utilisés, en Belgique, dans ce cadre sont le gaz naturel et le mazout de chauffage. Selon l’enquête SILC, 62,4 % des ménages en Belgique se chauffent principalement au gaz naturel (en progression), 22,5 % au mazout (en baisse), 7,2 % à l’électricité (hors pompe-à-chaleur) et 5,1 % au bois ou aux pellets. Le charbon représente encore le vecteur principal de chauffage pour 0,4 % des ménages.

Revenus disponibles

Bruxelles-Capitale enregistre les niveaux de revenus disponibles les plus faibles, comparativement aux autres Régions.

Coût du logement

Bruxelles-Capitale enregistre les niveaux de coût du logement les plus élevés, comparativement aux autres Régions.

 

Mesurer la précarité énergétique en Belgique et en Région bruxelloise : les trois familles d’indicateurs pour tenir compte du caractère multidimensionnel du phénomène

En Belgique, plus d’un ménage sur cinq (21,5 %) est en précarité énergétique en 2020[3] :

  • 15,3% des ménages étaient en situation de précarité énergétique mesurée, ce qui correspond aux ménages qui consacrent une part trop importante de leurs revenus (déduction faite du coût du logement) aux dépenses liées à l’énergie, et ce malgré la forte chute des prix des énergies au 1er semestre de l’année 2020. Ils consacraient en moyenne 58€ de plus par mois à leurs factures énergétiques que l’ensemble des ménages en Belgique.
  • 4,4% des ménages étaient en situation de précarité énergétique cachée, ce qui correspond aux ménages qui restreignent leur consommation d’énergie (en comparaison aux ménages similaires). En moyenne, ils consacraient 75,7€ par mois de moins à leurs factures énergétiques que les autres ménages de Belgique.
  • 3,8% des ménages étaient en situation de précarité énergétique ressentie, ce qui correspond aux ménages qui craignent de ne pas être capables de chauffer correctement leur logement pour raison financière.

Les ménages sont touchés différemment selon les Régions

26,5 % des ménages de la Région de Bruxelles-Capitale sont touchés par la précarité énergétique : 14,3 % en précarité énergétique mesurée ; 11,4 % précarité énergétique cachée, et 6,2 % précarité énergétique ressentie.

Les niveaux de revenus disponibles sont plus bas que dans les autres Régions, avec une plus forte proportion de familles monoparentales et de locataires. La taille réduite des logements et leur nature essentiellement mitoyenne compensent toutefois quelque peu la faiblesse des revenus et le coût élevé du logement dans la Région bruxelloise.

Qui est touché par la précarité énergétique ?

Le baromètre met en lumière que la précarité énergétique ne découle pas forcément d’un risque de pauvreté. En effet, près de 41% des personnes reconnues comme étant en situation de précarité énergétique ne sont pas considérées comme « en risque de pauvreté ».  Néanmoins, la recherche montre que les ménages aux revenus les plus faibles sont les plus touchés par la précarité énergétique, bien que les revenus moyens ne soient pas non plus épargnés.

Les isolés et les familles monoparentales apparaissent comme particulièrement fragiles face à la précarité énergétique, avec une surreprésentation des femmes concernées (pp. 35 à 37 du rapport). Les personnes âgées doivent également retenir toute notre attention : 27,5 % des 65 ans et plus sont en précarité énergétique et les femmes sont surreprésentées dans cette catégorie d’âge.

Les locataires, et particulièrement les locataires de logements sociaux[4], sont plus touchés par la précarité énergétique que les propriétaires.

Par ailleurs, les ménages vivant en appartement sont nettement plus vulnérables à la précarité énergétique que ceux vivant dans une maison.

Enfin, et c’est l’évidence, les ménages habitant des logements dégradés (présence de fuites dans le toit, d’humidité sur les murs ou le sol, ou de boiseries pourries, l’absence de douche ou bain, de toilette dans le logement-même ou de lumière suffisante) sont plus touchés par la précarité énergétique. 29,1 % des ménages en précarité énergétique vivaient dans un logement dégradé en 2020 (p. 44).

Précarité énergétique et état de santé

Le baromètre confirme le lien évident existant entre le mauvais état de santé et la précarité énergétique. La surreprésentation des seniors (65 ans et plus) dans la population des personnes en précarité énergétique est naturellement à prendre en considération dans ces constats.

En 2020, les membres des ménages en précarité énergétique déclarent notamment :

  • être nettement plus souvent en mauvaise ou très mauvaise santé (17,9 %) que les individus appartenant à un ménage qui n’est pas en précarité énergétique (5,8 %) ;
  • souffrir plus fréquemment de maladies ou de problèmes de santé chroniques (40,1 %) que les individus appartenant à un ménage qui n’est pas en précarité énergétique (21,8 %).

 

La précarité hydrique

Définition de la précarité hydrique

Selon les auteurs du Baromètre, la précarité hydrique est une situation dans laquelle se retrouve une personne qui n’a pas accès à une eau soit en quantité, soit de qualité suffisante, pour répondre à ses besoins de base : alimentation, hygiène corporelle et logement. Ceci inclut entre autres le risque d’être coupé de l’alimentation en eau potable, bien qu’en Région bruxelloise pareille coupure est, en règle, interdite depuis le 1er janvier 2022.

En Belgique, selon le rapport, la précarité hydrique résulte principalement d’un revenu trop faible, d’une facture d’eau trop élevée et d’un logement de mauvaise qualité (Fondation Roi Baudouin, ZOOM Précarité hydrique en Belgique 2019).

Mais, à nouveau, le Centre d’Appui SocialEnergie épingle systématiquement d’autres causes additionnelles et fondamentales à la précarité hydrique : le non-recours aux protections sociales existantes, les complexités administratives…

Quelques chiffres éclairants (de 2020) : consommation moyenne d’eau

La consommation moyenne d’eau potable des ménages, particulièrement basse en Belgique par rapport aux autres pays, a progressivement diminué ces dernières décennies : la moyenne nationale est passée d’environ 121 litres consommés par jour et par personne au milieu des années 90, à 96 litres par jour et par personne à l’heure actuelle. Cette tendance s’observe pour tous les types de ménages et dans les trois régions. Le confinement a toutefois cassé la tendance observée ces dernières années et provoqué, pour la première fois depuis 2002, une augmentation de la consommation d’eau potable des ménages : entre 2019 et 2020 la consommation moyenne a augmenté de 3 litres par personne et par jour.

La consommation moyenne est assez similaire entre les trois régions du pays  et s’élève environ à 34m3/an pour un ménage isolé et entre 120 et 140m3/an pour un ménage de 5 personnes.

On observe toutefois une forte variation de consommation des ménages entre communes, qui s’explique essentiellement par la présence ou non de puits ou de systèmes de récupération d’eau de pluie. La part d’eau puisée ou d’eau de pluie dans la consommation totale augmente avec la taille du ménage, et est plus faible dans les ménages précaires.

Mesurer la précarité hydrique en Belgique et en Région bruxelloise

Par analogie avec l’indicateur de précarité énergétique mesurée, un indicateur de précarité hydrique a été élaboré. Le poids de la facture d’eau des ménages dans leurs revenus disponibles, déduction faite du coût du logement, a été comparé à un seuil jugé acceptable[5].

La Région de Bruxelles-Capitale a le plus haut taux de précarité hydrique : 21 % des ménages sont touchés (alors que 15 % des ménages belges sont concernés). En zone urbaine, le recours aux citernes d’eau de pluie ou aux puits locaux sont plus limités. 27 % des familles monoparentales et 23 % des isolés sont en précarité hydrique. Les locataires sont plus vulnérables à la précarité hydrique[6] ; les personnes âgées également.

 

 

[1] Les Baromètres, publiés en juin 2022, sont accessibles et téléchargeables via le lien suivant : S. Meyer et J. Coene, Baromètres de la précarité énergétique et hydrique, 8ème édition, https://www.kbs-frb.be/fr/barometres-des-precarites-energetique-et-hydrique-chiffres-2020, 2022, 77 pages. Pour celles et ceux qui souhaiteraient consulter les baromètres précédents, voy. https://www.socialenergie.be/barometre-de-la-precarite-energetique-ed-2016/ et https://www.socialenergie.be/barometre-de-la-precarite-energetique-2009-2017/

[2]  Huybrechs et al., 2011. État des lieux de la précarité énergétique en Belgique. UA-OASeS/ULB-CEESE. 198p. + annexes.
http://dev.ulb.ac.be/ceese/CEESE/documents/Energiearmoede%20finaal%20rapport%20FR%20tweede%20editie.pdf

[3] Les trois régions enregistrent une légère augmentation de la proportion de points d’alimentation associés à un statut de client protégé, tant en électricité qu’en gaz naturel.  La tendance est également à la hausse en Région de Bruxelles-Capitale par rapport à 2019, surtout au niveau des factures d’électricité.

[4] Cette vulnérabilité s’explique par des revenus disponibles plus faibles, et par une facture énergétique qui pèse nettement plus sur le budget, malgré un coût du logement réduit et une application du tarif social pour les compteurs gaz et électricité communs.

[5] Le seuil est calculé sur l’ensemble de la population et correspond au double du ratio médian entre les factures d’eau d’une part et les revenus disponibles déduction faite du coût du logement d’autre part. En 2020, ce seuil était de 2,1 % (2,13 % en 2019). Tout ménage dont la facture hydrique dépassait 2,1 % de ses revenus disponibles déduction faite du coût du logement et qui appartenait aux cinq premiers déciles de revenu équivalent était considéré en situation de précarité hydrique.

[6] 28,7 % des ménages locataires sont en précarité hydrique pour seulement 8,0 % des ménages propriétaires ; 64,6 % des ménages en précarité hydrique sont locataires.