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Tarifs spécifiques de l’eau : des changements multiples !

Publié le: 29/01/2020 - Mis à jour le : 19/02/2020

Un nouveau tarif fuite est en vigueur depuis le 10 octobre 2019. S’il faut saluer l’introduction de celui-ci, nous regrettons par contre vivement l’abolition, depuis le 1er janvier 2020, du tarif « préférentiel » pour les ménages hébergeant leur(s) enfant(s) en garde alternée.

Nous allons décliner ces différents changements, en évoquant dans la foulée le sort réservé, depuis le 1er janvier 2020 également, au tarif bénéficiant aux personnes ayant opté pour une dialyse à domicile.

1. Introduction d’un nouveau tarif fuite

Nous avons déjà relevé à quel point les fuites dans des canalisations vétustes ou dans diverses installations et équipements (fuites à la chasse, aux robinets, au système de chauffage ou de la production d’eau chaude…) peuvent plonger dans la précarité hydrique ceux qui les subissent. Le tableau ci-dessous donne un aperçu du coût généré par des fuites diverses1 :

Avant le 10 octobre 2019, date d’entrée en vigueur du nouveau tarif fuite de Vivaqua, la société de distribution avait élaboré un mécanisme de tarification spécifique, par l’application d’un tarif linéaire, à condition que la fuite soit cachée et que la réparation de l’équipement défectueux ait été réalisée par un plombier agréé, preuve à l’appui.

Selon nous, ce tarif était largement insatisfaisant, à plusieurs égards :

  • Sur le plan « matériel », ce tarif spécifique n’endiguait pas suffisamment le montant vertigineux de certaines factures ;
  • Sur le plan « procédural », il n’y avait pas de définition parfaitement claire et transparente des conditions d’accès au « tarif fuite », ni de garantie de la connaissance de son existence par tous, ni de sa pérennisation, tant qu’il n’était pas introduit dans les ordonnances « eau ». Ce tarif était accordé par le Conseil d’administration de Vivaqua, sur base discrétionnaire.

A titre de comparaison inspirante, la France a adopté la loi « n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit » instaurant des règles de plafonnement de la facture en cas de fuites (art. 2), afin de protéger les droits du consommateur. Concrètement, l’abonné en France n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation qui dépasse le double de la consommation moyenne, s’il a, au préalable, fait réparer la fuite par un plombier.

Quelles nouveautés? 

Depuis le 10 octobre 2019, est en place un nouveau tarif fuite approuvé par BRUGEL. Sur son site, Vivaqua explique les conditions de son activation et ses différentes modalités.

Ainsi, si vous êtes victime d’une fuite cachée ou non,  au niveau de votre installation privée, un tarif réduit peut vous être octroyé, pour les volumes dépassant 2 fois votre consommation habituelle.

La tarification réduite se décompose désormais comme suit :

  • de 0 à 2 fois votre consommation habituelle:
    Application de la tarification habituelle (tarif progressif et/ou linéaire)
  • de 2 à 4 fois votre consommation habituelle:
    – Si tarif progressif : application de la tarification linéaire moins 75 %
    – Si tarif linéaire : application du même tarif moins 50 %
    Sur les volumes excédant 2 fois votre consommation habituelle
  • plus de 4 fois votre consommation habituelle:
    Pour les tarifs progressif et linéaire : application de la tarification linéaire moins 90 %
    Sur les volumes excédant 4 fois votre consommation habituelle

Cette tarification réduite s’applique tant sur le prix de l’eau que sur le prix de l’assainissement communal et régional2.

Conditions pour bénéficier de ce tarif : 

Afin de bénéficier d’une telle réduction, une preuve de la réparation doit être fournie à Vivaqua : via des photos de l’installation avant et après l’intervention d’un professionnel, via la facture de l’intervention de celui-ci ou tout autre élément de preuve justifiant l’existence de la fuite et de sa réparation. A défaut de pouvoir fournir une telle preuve à Vivaqua, une inspection gratuite sur place par un de leurs agents est toujours possible.

Pourrait-on protéger mieux ceux qui en ont besoin?

Ce nouveau tarif constitue incontestablement une excellente amélioration. Restent à en garantir la publicité et son maintien sur le long terme, en confirmant cette protection dans les ordonnances adéquates.

Il importe également de prévoir, à l’avenir, des garanties de réparation des installations vétustes.  En effet, la Région bruxelloise est composée de 65 % de locataires ayant parfois peu de prise sur l’état des installations tant la relation entre bailleur et preneur est déséquilibrée. Une piste serait d’engager la responsabilité exclusive du propriétaire dans le paiement de la facture d’eau lorsque le locataire a prévenu d’un défaut des installations dont la réparation incombait au propriétaire3.

Voici, concrètement, quelques exemples de responsabilité du propriétaire dans l’état des installations du logement loué par son locataire4 :

  • l’ensemble des tuyauteries d’amenée d’eau dans le logement, à l’exception de tous les dégâts locatifs résultant de la faute du locataire (détérioration des tuyauteries apparentes par manque d’entretien, etc) ;
  • fuite à la chasse d’eau, dans le cas où il peut être prouvé que c’est dû à la vétusté ou que le WC était déjà en mauvais état en début de bail (ex : si l’état des lieux d’entrée établit que le WC est déjà bien amorti et présente des traces d’écoulement jaunâtres) ; il en va de même, par exemple, si le locataire loue le logement depuis 25 ans et que le WC n’a jamais été changé ;
  • fuite au boiler, si le locataire a bien effectué ses entretiens, légalement et en bon père de famille, mais que la cause de la fuite est la vétusté de l’installation ou cas de force majeure.

Selon notre suggestion, le propriétaire n’engageant aucune démarche pour mettre un terme aux fuites visibles précitées, malgré les interpellations de son locataire, deviendrait le débiteur unique du montant excédant la facture d’eau habituelle du ménage.

2. Suppression du tarif « garde alternée »

Depuis 2005, en application de la tarification « progressive et solidaire » de l’eau à Bruxelles, le tarif par m³ consommé tient compte du nombre de personnes composant le ménage et augmente en fonction du nombre de m³ consommés par personne. Depuis lors, VIVAQUA avait décidé de tenir compte de la situation de garde alternée des ménages dans le calcul de la facture d’eau, en aménageant le système pour que le ménage chez qui l’(les) enfant(s) n’est(ne sont) pas domicilié(s) puisse bénéficier d’une adaptation de la tarification afin de ne pas être désavantagé.

Cependant, ce tarif spécial était une initiative propre de VIVAQUA et ne reposait sur aucun fondement légal.

Depuis le 1er janvier 2020, ce tarif préférentiel n’est plus accordé.

VIVAQUA invoque, à l’appui de cette suppression, le fait que les tarifs appliqués par VIVAQUA font désormais5 l’objet d’un contrôle par le régulateur bruxellois Brugel ; et que, dans le cadre de l’établissement des méthodologies tarifaires par Brugel, il est interdit d’appliquer des tarifs spécifiques à des situations sociales particulières, en l’absence de fondement légal pour ce faire.

Concrètement, et sur la base de la législation en vigueur, ceci signifie donc que le tarif solidaire et progressif sera strictement appliqué par VIVAQUA en fonction du nombre de personnes composant le ménage. En d’autres termes, le tarif devra rigoureusement dépendre du nombre de personnes domiciliées dans un logement, tel qu’il apparaît au Registre national.

A titre exemplatif, le parent seul chez qui ses deux enfants ne sont pas domiciliés mais qui les héberge une semaine sur deux, sera considéré comme un « utilisateur isolé », alors qu’à mi-temps trois personnes consomment de l’eau, ce qui équivaut à deux personnes en continu. En bref, il n’aura que 15 m³ au tarif minimal (tranche 1), au lieu de 30 et 15 m³ suivants au tarif social (tranche 2), au lieu de 30 ; et ainsi de suite. Il entrera plus rapidement dans les tranches de prix supérieures et sera exposé à une facture finale injustement plus élevée.

Cette suppression est totalement injustifiée et, d’autant plus problématique que la Région bruxelloise compte 63.000 familles monoparentales6, particulièrement exposées à la précarité hydrique.

La Ligue des familles s’inquiète évidemment de la situation, ayant été avertie par plusieurs lecteurs concernés qui ont reçu un courrier de Vivaqua7.

Nous demandons, dès lors, la restauration de l’ancien mécanisme imaginé par VIVAQUA, moyennant l’accord de Brugel et une inscription du « tarif garde alternée » dans l’ordonnance du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l’eau.

3. Suppression du tarif « dialyse »

Jusqu’au 1er janvier 2020, VIVAQUA accordait, sur demande, une réduction de la facture d’eau annuelle aux personnes effectuant une dialyse à domicile : concrètement, VIVAQUA octroyait gratuitement 50 m³ par an, soit un remboursement de 120€ maximum sur la facture annuelle.

Il s’agissait d’une indemnisation forfaitaire rendue possible par l’arrêté royal du 23 juin 20038. Ce dernier a toutefois été abrogé en 2016 au motif que « l’intention du législateur est de régler dorénavant les interventions de l’assurance soins de santé en matière de dialyse par convention conclue entre les hôpitaux, prestataires de soins et l’INAMI ».

De telles conventions entre l’INAMI et les institutions hospitalières existent à ce jour. Il y est désormais prévu que les coûts supplémentaires engendrés par la dialyse à domicile (eau, téléphone et électricité) sont remboursés de manière forfaitaire par l’hôpital à raison de 6,49 € par hémodialyse9 et de 0,59 € par jour de dialyse péritonéale10.

Dès lors que les hôpitaux procèdent à présent à cette indemnisation forfaitaire des patients qui effectuent des dialyses à domicile, VIVAQUA a supprimé, à dater du 1er janvier 2020, la réduction de la facture d’eau pour ce même motif.

[1] Ce tableau provient du site de Vivaqua : https://customers.vivaqua.be/nos-tarifs/ce-que-vous-coute-un-robinet-qui-fuit/. Plus encore, nous avons pu observer qu’une fuite de boiler peut provoquer une perte de 1919 m³ en 6 mois, pour un montant de 13.000 EUR (en application de la tarification progressive et solidaire), soit un prix moyen exorbitant de 7,35 EUR/m³.
[2] https://customers.vivaqua.be/nos-tarifs/tarifs-speciaux/
[3] Rappelons que la solidarité propriétaire-locataire dans le paiement des factures de Vivaqua n’est plus active depuis le 16/03/2014, sauf notamment si une forte consommation inhabituelle est consécutive à l’état des installations privées dont l’abonné a la charge. La restauration de la solidarité dans cette hypothèse ne résout toutefois pas la question de la charge finale du surcoût en cas de fuite. C’est cette question-là à laquelle répond notre proposition.
[4] Et ce notamment en application de l’AGRBC du 23 novembre 2017 instaurant une liste non-limitative des réparations et travaux d’entretien impérativement à charge du preneur ou impérativement à charge du bailleur visés à l’article 223 du Code du Logement.
[5] Art. 64/1 de l’Ordonnance du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l’eau, inséré par l’ordonnance du 15 décembre 2017.
[6] http://maisondesparentssolos.be.
[7] https://www.laligue.be/leligueur/articles/distribution-d-eau-fini-le-tarif-preferentiel-a-bruxelles-pour-les-familles-en-garde-alternee et https://www.laligue.be/leligueur/articles/tarif-special-garde-alternee-couac-de-com-chez-vivaqua.
[8] AR portant exécution de l’article 71bis, §§ 1 et 2 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.
[9] Technique permettant d’épurer le sang avec un filtre (rein artificiel) éliminant les déchets toxiques chez des sujets ayant une insuffisance rénale grave. Elle consiste à faire passer le sang du sujet au travers des membranes d’un circuit d’épuration extracorporelle. Celui-ci filtre le sang et le débarrasse des déchets normalement éliminés par les reins avant de le réinjecter au patient insuffisant rénal.
[10] Type de dialyse qui a pour objectif d’éliminer les déchets tels que l’urée, la créatinine, l’excès de potassium ou de liquide que les reins ne parviennent pas ou plus à épurer du plasma sanguin. La dialyse péritonéale est une méthode qui utilise le péritoine (membrane de l’abdomen) comme filtre pour épurer le sang des substances toxiques. Ce traitement médical est indiqué en cas d’insuffisance rénale chronique terminale.