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Prévenir les expulsions de logement : les nouvelles balises de la réforme bruxelloise

Publié le: 14/11/2023 - Mis à jour le : 23/01/2024

Le 1er septembre 2023 sont entrées en vigueur les nouvelles règles en matière d’expulsion de logement[1]. Elles constituent une avancée majeure en termes de prévention des expulsions locatives en Région bruxelloise.

La Rapporteuse du projet d’ordonnance rappelait ainsi :

« que l’expulsion est un triple échec, pour le locataire qui perd son lieu de vie, pour le bailleur qui assumera la charge financière et la responsabilité morale de l’expulsion et les pouvoirs publics qui assumeront le coût du relogement. Je rappelle à cet égard que selon les chiffres publiés en France, un euro investi dans la prévention permet d’économiser 8 euros dans le relogement. Il est dès lors essentiel de lutter contre le phénomène des expulsions de façon structurelle, en renforçant la prévention et l’accompagnement des locataires, en donnant plus d’espace aux acteurs de première ligne et en indemnisant les bailleurs empêchés d’expulser et dont les loyers sont impayés durant la trêve hivernale » [2].

Les 4 grands axes de la réforme 

Premièrement, la procédure d’expulsion est fondamentalement revue. Selon la Secrétaire d’État au Logement Nawal Ben Hamou (PS), le dispositif actuel doit « permettre aux CPAS d’intervenir proactivement en amont d’une procédure d’expulsion et d’être à même de proposer des solutions aux locataires et aux bailleurs concernés afin d’éviter l’expulsion ».

Deuxièmement, un moratoire hivernal généralisé est introduit, interdisant toute expulsion locative, du 1er novembre au 15 mars, tant pour les locataires de logements publics que privés.

Troisièmement, un Fonds de solidarité est mis sur pied pour couvrir les indemnités d’occupation non versées par le locataire/occupant pendant la trêve hivernale.

Quatrièmement, un monitoring annuel des décisions d’expulsion est instauré, pour mieux en saisir le phénomène.

Pour plus d’informations sur chacun de ces points, téléchargez le Power Point

Aménagement de la procédure d’expulsion et obligation d’une mise en demeure

En vue de renforcer l’accompagnement social proactif et l’orientation effective, et pour éviter le surendettement et les traumatismes divers consécutifs à une expulsion, la nouvelle procédure se caractérise par une diminution des coûts de la procédure, une amélioration de l’information des acteurs clés (des occupants, des bailleurs, des CPAS, des juges) et une temporalité modalisée pour optimaliser la mise en place des mesures de prévention.

Ainsi, toute action en justice pour recouvrement de loyer/charges devra obligatoirement être précédée d’une mise en demeure adressée au moins un mois avant le dépôt de la requête en expulsion, reprenant de manière claire, complète et intelligible (« non équivoque ») le décompte des sommes dues[3].

Nouvel article 233quater du Code bruxellois du logement – « Mise en demeure préalable »
« § 1er. Tout recouvrement d’une dette de loyer ou de charges doit commencer par une mise en demeure écrite, adressée au preneur dont un modèle est disponible sur le site internet de Bruxelles Logement.
Cette mise en demeure doit contenir de manière complète et non équivoque toutes les données relatives à la créance. Elle doit comprendre au minimum les données énumérées au § 2 et il ne peut être procédé à d’autres techniques de recouvrement qu’après écoulement du délai prévu au § 3.
§ 2. Dans la mise en demeure apparaissent au moins les données suivantes :
1° l’identité, l’adresse, le numéro de téléphone et la qualité du bailleur ;
2° une description et une justification claires des montants réclamés, en ce compris les dommages-intérêts et les intérêts moratoires réclamés ;
3° la mention que, en l’absence de réaction dans le délai prévu au § 3, le bailleur pourra saisir le juge d’une action en recouvrement et/ou en résolution du bail ;
4° dans le cas où le recouvrement est effectué par un avocat, un officier ministériel ou un mandataire de justice, le texte suivant figurera dans un alinéa séparé, en caractères gras et dans un autre type de caractère :
« Cette lettre concerne un recouvrement amiable et vise à éviter un recouvrement judiciaire (assignation au tribunal ou saisie). ».
§ 3. Dans la mise en demeure, le délai dans lequel la créance peut être remboursée avant que des mesures complémentaires soient prises est mentionné. Ce délai est d’au moins un mois et commence à courir à la date de l’envoi de la sommation écrite. »

Parmi les mentions obligatoires de la mise en demeure figure la description et une justification claires des montants réclamés, en ce compris les dommages-intérêts et les intérêts moratoires : le locataire devrait donc bénéficier de plus de transparence dans la dette de charges réclamée, et de plus de temps pour l’apurer. Il appartiendra à tous les accompagnateurs de locataires de vérifier la justesse des charges, dont le montant élevé est fréquemment à la source d’endettement du locataire, avec le risque d’expulsion à la clé.

Un formulaire type de mise en demeure est disponible sur le site de Bruxelles Logement et ici

 

 

 

[1] Voir l’Ordonnance du 22 juin 2023, insérant dans le Code bruxellois du logement les règles de procédures applicables aux expulsions judiciaires et modifiant les moyens affectés par et au profit du fonds budgétaire de solidarité, M.B., 21.08.2023, entrée en vigueur le 1.09.23. Elles constituent les nouveaux articles 233bis et suivants du Code bruxellois du logement.

[2] Voir A-680/2 – 2022/2023 – p. 5.

[3] Art. 233quater Code bruxellois du logement.