< Retour

Contrôle des données énergie des allocataires sociaux : le projet-pilote étendu en dépit des résultats

Publié le: 06/09/2017 - Mis à jour le : 06/09/2017

Le gouvernement fédéral souhaite intensifier le contrôle des allocataires sociaux¹, notamment en étendant le data-mining concernant les données de consommations d’énergie (en savoir plus sur cette problématique en cliquant ici). L’objectif annoncé de cette mesure est de débusquer plus facilement les fraudeurs parmi les allocataires sociaux (les fraudes au domicile : faux isolés ou domicile fictif).

Nous avions déjà émis d’importantes réserves au moment de l’élaboration et du vote de la loi permettant de collecter les données énergétiques des bénéficiaires d’une allocation sociale. Nous ne pouvons que nous offusquer à nouveau concernant cette annonce, si stigmatisante pour les ménages précarisés. Nous ajouterons qu’au vu des résultats communiqués à propos de la phase-test, la mesure parait à tout le moins inefficace, voire coûteuse pour la société.

En effet, sur une période de six mois de relevé des données énergétiques par le GRD Eandis (opérant en Flandre sur 229 communes et en Wallonie sur 4 communes)² :

  • plus de 27 000 anomalies (consommations jugées anormales) ont été relevées ;
  • 344 enquêtes ont été entamées ;
  • une fraude au domicile a été constatée dans 27 dossiers;
  • 250 dossiers ont été classés sans suite ;
  • 67 enquêtes sont toujours en cours ;
  • l’installation et l’infrastructure du projet-pilote ont déjà coûté 200.000 €.

Nous questionnons donc l’objectif d’une telle mesure au regard du coût important qu’elle représente. De plus, cette mesure n’enfreint-elle pas la « loi vie privée »³ ? En effet, la condition de proportionnalité imposée par cette dernière semble peu respectée lorsque que l’on analyse le nombre important de données privées communiquées pour un nombre de fraudes avérées particulièrement réduit.

A l’heure actuelle, seul le GRD Eandis est partie prenante du projet mais d’ici peu RESA, Sibelga, Infrax, AquaFlanders, AquaBru et AquaWal seront également partenaires. En dépit des chiffres énoncés ci-dessus le gouvernement désire donc étendre le projet-pilote.

A titre d’information, ce projet-pilote consiste en un croisement de données entre les bases de données d’Eandis et de celles de l’ONEM et de l’INAMI. Pour l’instant, ne sont donc concernés que les allocataires dépendants de ces deux organismes (en résumé, les personnes recevant une allocation de chômage ou une allocation de leur mutuelle). L’objectif à terme sera d’utiliser les bases de données de tous les organismes publics délivrant des allocations.

Nous réclamons toujours l’abandon de cette loi que nous jugeons injuste, irréaliste et illégale4. Nous répétons qu’aucune norme de consommation moyenne d’énergie ne peut être établie à des fins de contrôle. Nous ré-insistons sur le caractère injuste de la mesure en ce que dans un nombre massif de cas, elle pointe à tort des personnes qui doivent se justifier sur leurs pratiques quotidiennes. Elle participe, de façon très dommageable, à conforter un sentiment de suspicion envers un public déjà précarisé et stigmatisé. Enfin, nous ne comprenons pas l’entêtement du gouvernement à étendre ce projet-pilote qui a clairement montré ses limites.

[1] http://www.standaard.be/cnt/dmf20170731_02996679 ; http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/le-gouvernement-michel-renforce-la-lutte-contre-la-fraude-sociale-598006b4cd70d65d251c7f72
[2] http://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/54/ic680.pdf
[3] Loi du 8décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.
[4] Un recours en annulation à l’encontre de cette loi a d’ailleurs été introduit par la Ligue des droits de l’Homme devant la Cour constitutionnelle. Il est toujours pendant.