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Baromètre social annuel 2021, quelques clés d’analyse

Publié le: 11/01/2023 - Mis à jour le : 11/01/2023

En octobre 2022, l’Observatoire de la Santé et du Social de la Région de Bruxelles-Capitale a publié son Baromètre social annuel 2021, qui présente une série d’indicateurs actualisés sur la pauvreté en Région bruxelloise. Le rapport met en évidence l’impact des crises successives (socio-sanitaire, énergétique, etc.) sur la population bruxelloise.

Résumé.

Dans son Baromètre social publié en octobre 2022, l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale actualise la situation socio-économique des Bruxellois et son impact sur leur santé, à la veille de la crise énergétique, puisque le dernier rapport porte sur l’année 2021. Le Baromètre social, publié chaque année, est le volet quantitatif du Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté. La pauvreté y est appréhendée en tant que phénomène multidimensionnel, se manifestant par des privations dans différents domaines de la vie : le revenu, le travail, l’éducation, la santé, le logement – y compris l’énergie – et la participation sociale. Ces privations peuvent agir à la fois comme cause et comme conséquence d’exclusions dans d’autres sphères de la vie.

Indicateurs de pauvreté

Un des indicateurs de pauvreté les plus souvent utilisés au niveau européen est le taux de risque de pauvreté, qui correspond au pourcentage de la population dont le revenu disponible équivalent est inférieur au seuil de risque de pauvreté. Ce seuil est défini à 60 % du revenu disponible équivalent médian du pays. Le taux de risque de pauvreté est calculé annuellement pour chaque pays membre de l’UE sur base de l’enquête EU-SILC. Comme le spécifie Statbel, cet indicateur offre un point de comparaison des bas revenus par rapport aux revenus des autres habitants d’un pays donné. En Belgique, sur base des revenus de 2020 (enquête EU-SILC 2021), le seuil de risque de pauvreté est de 15 443 € par an, soit 1 287 € par mois, pour une personne isolée. Pour un parent seul avec deux enfants, le seuil est de 2 059 € par mois. Pour un couple avec deux enfants, il est de 2 703 € par mois.

Après transferts sociaux, un quart (25 %) de la population bruxelloise dispose de revenus sous le seuil de risque de pauvreté, contre 18 % en Wallonie et 9 % en Flandre. En Région bruxelloise, le nombre de personnes vivant avec un revenu d’intégration sociale (RIS) a augmenté de 65 % en dix ans, et a doublé (+100 %) chez les jeunes adultes (18-24 ans). Désormais, 6 % de la population de 18-64 ans et 14 % des jeunes de 18-24 ans perçoivent un RIS. Les plus âgés ne sont pas non plus épargnés par la précarité en Région bruxelloise : 13 % de la population de 65 ans et plus perçoit la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA), soit un pourcentage trois fois plus élevé qu’en Flandre et deux fois plus qu’en Wallonie.

De façon globale, en Région bruxelloise, environ un cinquième de la population d’âge actif (18-64 ans) vit avec une allocation d’aide sociale ou un revenu de remplacement. En d’autres termes, si aucune allocation – à l’exception des pensions de retraite – n’était octroyée, le taux de pauvreté serait doublé. La sécurité sociale œuvre comme véritable filet de protection.

La flambée des prix énergétiques

L’Observatoire annonce d’emblée qu’un nombre important d’habitants en Région bruxelloise risque d’être particulièrement touchés par la flambée des prix énergétiques (pp. 90 à 95 du rapport).

En 2021 et 2022, la crise énergétique a succédé à la crise sanitaire, se manifestant par une forte augmentation des prix de l’énergie. Celle-ci s’observe dès juin 2021 et s’explique notamment par la reprise de la demande mondiale et l’approvisionnement stratégique des pays asiatiques. En 2022, s’y ajoute la guerre en Ukraine, responsable également de l’augmentation des prix de l’énergie. Cette augmentation se répercute sur les produits de consommation impliquant une croissance de l’inflation. Malgré les nombreuses mesures mises en place tant au niveau fédéral que régional, le pouvoir d’achat des ménages sera, et est d’ores et déjà, fortement impacté. C’est le cas, d’abord pour les plus précaires, mais aussi pour les classes moyennes, en particulier dans le contexte bruxellois, où les loyers, et donc les dépenses consacrées au logement, grèvent drastiquement les budgets.

En un an, la facture moyenne des Bruxellois a plus que triplé pour le gaz et doublé pour l’électricité, voire plus selon notamment le type de contrat et de tarification. Si les indicateurs de pauvreté disponibles ne permettent pas encore de rendre visible l’impact sur le budget des ménages, celui-ci est et sera inévitablement important, en particulier en Région bruxelloise où la pauvreté est élevée et le coût du logement supérieur à celui des deux autres régions.

Dans ce contexte, rappelons que déjà avant la flambée des prix, le Baromètre de la précarité énergétique indiquait que pas moins de 26,5% de la population bruxelloise connaissaient une certaine forme de précarité énergétique : facture énergétique trop élevée par rapport au revenu disponible, limitation de la consommation énergétique en deçà des besoins de base, difficultés à chauffer correctement son logement.

Le coût exorbitant du logement

Certaines dépenses essentielles, comme celles relatives au logement (loyer et charges) ou à l’alimentationpèsent lourd dans le budget des ménages et impactent proportionnellement davantage les niveaux de vie des personnes en situation de précarité. À titre illustratif, pour les ménages à bas revenus (premier quartile) en Région bruxelloise, le logement, les charges et les dépenses alimentaires représenteraient 61 % de leurs dépenses, contre 48 % pour les ménages à haut revenus (dernier quartile). En conséquence, les personnes plus précarisées sont davantage touchées par l’inflation des produits énergétiques et alimentaires.

Les problèmes de logement spécifiques à la Région bruxelloise constituent un facteur particulier d’aggravation de l’impact social de la poussée inflationniste : avec 62 % de ménages locataires et des loyers sur le marché privé nettement plus élevés que dans les deux autres régions, ceux-ci pèsent lourdement dans le budget des ménages bruxellois.

A titre indicatif, sur la période 2004-2020le loyer médian en termes réels (donc hors indexation suite à l’inflation) a augmenté d’environ 30 % en Région bruxelloise. Pas moins de 51 615 ménages sont sur liste d’attente pour un logement social dans la Capitale, un nombre qui continue d’augmenter.

Au niveau de la qualité des logements, sur la base de l’enquête EU-SILC 2021, la part de la population vivant dans un logement « inadéquat », c’est-à-dire ayant soit des fuites dans la toiture, soit des murs, sols ou fondations humides, soit de la pourriture dans les châssis de fenêtre ou le sol, s’élève à 26 % en Région bruxelloise, contre 12 % en Flandre et 19 % en Wallonie. En outre, 6 % des Bruxellois ne parviennent pas à chauffer convenablement leur logement, un pourcentage équivalent à celui de la Wallonie, mais plus élevé qu’en Flandre (2 %).

Une situation préoccupante

De manière générale, les inégalités de conditions de vie, renforcées par les inégalités d’accès aux soins, se répercutent en d’importantes inégalités de santé en Région bruxelloise. À titre indicatif, il existe une différence d’espérance de vie de près de 3 ans entre les résidents des communes pauvres et ceux des communes aisées de la Région.

Les conséquences sociales de la crise énergétique et de l’inflation risquent donc d’impacter tout particulièrement la Région bruxelloise, et d’accroître encore les inégalités sociales et de santé, déjà très importantes à Bruxelles, comme l’indique ce Baromètre 2021.

NB : les différents tableaux reproduits dans ce texte sont extraits du Baromètre social annuel 2021