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La chasse illusoire des consommations « suspectes »

Publié le: 10/10/2015 - Mis à jour le : 10/08/2017

En décembre 2014, dans le cadre de son plan de lutte contre la fraude sociale, le secrétaire d’Etat Bart Tommelein avait transmis une note de politique générale à la Chambre, mettant singulièrement l’accent sur « la volonté de s’en prendre  (…) aux assurés sociaux malhonnêtes »¹. Celle-ci prévoyait, entre autres, un renforcement des contrôles des allocataires sociaux qui déclarent vivre seuls, par le recueil de leurs données de consommation énergétique (eau, gaz, électricité). Le 3 avril 2015, le Conseil des Ministres a approuvé le « plan d’action 2015 » de Bart Tommelein. Le projet de loi opérationnalisant la mesure sera prochainement débattu à la Chambre.

Vous avez pu lire à plusieurs reprises, sur le site du Centre d’Appui SocialEnergie, notre opposition à ce projet de loi que nous jugeons injuste, irréaliste et illégal.

Les résultats d’une expérience récente menée par la Sambrienne, la Société de Logements de Service Public (SLSP) de Charleroi et de Gerpinnes, appuie encore notre propos.

En octobre dernier, la Sambrienne entendait débusquer les fraudeurs grâce aux compteurs d’eau. La société partait de l’hypothèse que « les logements où la consommation était nulle ou extrêmement faible, moins de 10 m³ par an, étaient sûrement inoccupés même si les locataires payaient leur loyer. Ils étaient donc soupçonnés de fraude aux allocations sociales. Sur base de fausses déclarations de domicile, ils auraient alors touché des allocations d’isolé plus élevées que celles accordées aux cohabitants. Au terme d’une vaste enquête qui a concerné 255 biens sociaux, il s’avère que ce phénomène est une goutte d’eau dans l’océan immobilier de la Sambrienne : seulement 5 % des cas ont corroboré la thèse lancée par la société. »² .

Le postulat de départ était donc erroné. Les données récoltées par la Sambrienne révèlent que les faibles consommations s’expliquent, dans l’écrasante majorité des situations, par des erreurs de relevés, des compteurs défectueux, et bien souvent par l’extrême précarité des occupants de ces logements, extrêmement vigilants concernant leurs consommations qui récupèrent l’eau du bain ou des machines pour les WC, ou qui ne font pas leur lessive et leur cuisine eux-mêmes.

Cet exemple démontre avec force l’absurdité du projet de loi porté par B. Tommelein. Les moyens qui devraient être mis en œuvre dans cette chasse illusoire aux consommations suspectes dépasseront de loin le « bénéfice financier» espéré par le gouvernement fédéral. Nous ré-insistons sur le caractère injuste de la mesure en ce que dans un nombre massif de cas, elle pointera à tort des personnes qui devront se justifier sur leurs pratiques quotidiennes. Elle participe, de façon très dommageable, à conforter un sentiment de suspicion envers un public déjà précarisé et stigmatisé.

» Lire ou relire :

[1] B. TOMMELEIN, Note de politique générale – Fraude sociale, Ch. Repr., session 2014-2015, doc. 54-0588/030, p. 3
[2] http://www.lesoir.be/968400/article/actualite/regions/hainaut/2015-08-21/logements-fictifs-5-situations-problematiques