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Brugel condamne la pratique déloyale d’un fournisseur

Publié le: 07/09/2021 - Mis à jour le : 09/09/2021

Le 29 juin 2021, le Service des Litiges de Brugel rendait trois décisions rappelant notamment l’obligation pour le fournisseur, à qui était formulé des demandes de contrats par des utilisateurs dont les compteurs étaient scellés, de respecter au mieux la date de mise en service telle que prévue par les futurs clients, et non pas la première date soi-disant possible[1].
En l’espèce, le fournisseur Mega avait refusé, dans les trois litiges, de faire entrer le contrat en vigueur à la date souhaitée par les utilisateurs concernés, en appliquant abusivement le délai strict de trois semaines.

Concrètement, voici les faits d’une des trois décisions. Elle se situe dans le contexte de fin de l’interdiction des coupures d’énergie (interdiction en vigueur pendant les périodes de confinement consécutives à la crise sanitaire Covid-19 et qui s’est achevée au 1er juin 2021).

Le 22 juin 2021, le plaignant fait appel à Infor GazElec (IGE) afin d’obtenir de l’aide pour conclure un contrat avec un fournisseur commercial à la suite de la fermeture de son compteur d’électricité[2].

Lors de contacts téléphoniques les 23 et 24 juin 2021, Mega indique à IGE que la reprise du point ne pourra avoir lieu qu’après un délai de 21 jours, le plaignant étant déjà titulaire du point avant la fermeture du compteur.

Le 24 juin 2021, IGE introduit une plainte en urgence auprès du Service des litiges et demande une reprise immédiate du point. Le 28 juin 2021, Mega refuse de faire droit à la demande du plaignant, invoquant le fait qu’il s’agit d’un changement de fournisseur malgré l’état scellé des compteurs, et que la reprise du point doit se faire sous les 21 jours.

Cela a comme conséquence que l’utilisateur reste privé d’énergie pendant ce délai, ce qui atteint frontalement sa dignité humaine et est contraire aux ordonnances.

A l’appui de sa plainte, l’usager invoque d’abord la portée réelle de l’art. 25duodecies al.1 de l’ordonnance « électricité », invoqué par le fournisseur pour fonder sa pratique. Cette disposition prévoit que : « Sans qu’ils puissent discriminer de quelque façon et notamment discrimination en matière de coût, d’investissement et de temps, les fournisseurs et intermédiaires veillent à :

1° lorsque leurs clients souhaitent changer de fournisseur, dans le respect des termes et conditions des contrats, effectuer ce changement dans un délai de maximum trois semaines à compter de la date de la demande du client final. Les gestionnaires de réseau mettent en place la structure adéquate pour la réalisation de cette obligation ; (…) ».

Le plaignant rappelle donc que le délai de trois semaines sur lequel s’appuie le fournisseur ne peut concerner, en réalité, qu’exclusivement le changement de fournisseur. Or, que ce soit en fin de période hivernale, quand le point de fourniture est coupé ou encore en fin de contrat, il n’y a pas de changement de fournisseur, puisqu’il n’y a plus de fournisseur. D’ailleurs, le MIG prévoit pour ces situations des messages spécifiques, et non pas un customer switch comme dans le cas d’un changement de fournisseur.

Le plaignant met, par ailleurs, en évidence le fait que, techniquement, Mega a la possibilité de prendre directement les points de fournitures. Postposer le commencement de la fourniture à un délai de trois semaines, revient dès lors à refuser de faire offre pendant cette période, ce qui est contraire à l’article 25ter de l’ordonnance « électricité ».

Enfin, le plaignant invoque le principe d’exécution de bonne foi des conventions[3], selon lequel le fournisseur doit tout mettre en œuvre pour fournir à la date demandée par le client.

Le Service des litiges (SL), dans sa décision rendue dès le 29 juin 2021 (soulignons l’extrême rapidité de réaction du SL), va confirmer l’interprétation donnée par le plaignant de l’article 25duodecies de l’ordonnance électricité. Il va préciser par ailleurs que l’article 25duodecies interdit toute discrimination entre les utilisateurs (URD), notamment en matière de « temps ». Le Service des litiges constate que ce délai de 21 jours n’est pas appliqué par les autres fournisseurs actifs sur le marché de l’énergie, ce qui est susceptible de constituer une discrimination entre les différents clients en fonction du fournisseur vers qui les intéressés introduisent leur demandes de contrat. Le SL ajoute que, d’après les échanges entre Mega et le plaignant, il semble que Mega conditionne une reprise plus rapide du point lorsqu’il s’agit d’un emménagement récent. En effet, Mega constate d’abord que le plaignant se trouve dans les lieux depuis un certain temps, et que « dès lors », il propose une reprise du point au plus tôt le dernier jour du délai de trois semaines prévu par l’article 25duodecies. Une telle pratique constituerait également une discrimination entre utilisateurs. Selon le SL, cette pratique serait contraire à l’article 25ter de l’ordonnance électricité, qui impose que les offres doivent être raisonnables et non-discriminatoires.

Enfin, le SL rappelle très utilement que « l’article 25duodecies prévoit également que les fournisseurs doivent fournir un haut degré de protection à leurs clients, ce qui implique notamment une fourniture en énergie dans les meilleurs délais possibles, particulièrement lorsque les clients n’ont pas accès à l’énergie, pourtant fondamentale pour le respect de la dignité humaine »[4].

Le Service des litiges en conclut logiquement que le fournisseur devrait reprendre le point à la date souhaitée par l’usager.

Par ailleurs, BRUGEL a publié une décision reprenant les 3 affaires dont il a été question dans cet article : https://www.brugel.brussels/publication/document/decisions/2021/fr/DECISION-165-PLAINTE-INFORGAZELEC-CONTRE-MEGA.pdf. Ceci donne un bon aperçu des 3 cas soumis à BRUGEL et de la décision globale.

Notons que dans ce cas de figure, le plaignant pourrait prétendre à une indemnité mensuelle de 100 EUR. C’est en effet le cas si un contrat de fourniture ne peut entrer en vigueur à la date convenue, lorsque le fournisseur n’a pas correctement donné suite au contrat conclu avec le client final (article 32septies, § 2)[5].

 

[1] Voy. décisions R2021-063 (https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2021/fr/Decision-R2021-063.pdf), R2021-065 (https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2021/fr/Decision-R2021-065.pdf) et R2021-066 (https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2021/fr/Decision-R2021-066.pdf).

[2] Voy. décision R2021-066 (https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2021/fr/Decision-R2021-066.pdf).

[3] En application de l’art. 1134 du Code civil selon lequel : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

[4] Voy. décision R2021-066 (https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2021/fr/Decision-R2021-066.pdf).

[5] Voy. ici le formulaire de demande d’indemnisation : https://www.brugel.brussels/publication/document/formulaires/2019/fr/FORMULAIRE_INDEMNISATION_fournisseur.pdf.