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Réforme des ordonnances gaz et électricité en Région bruxelloise : adoption de nouvelles mesures de protection sociale, entrées en vigueur le 30 avril 2022

Publié le: 31/05/2022 - Mis à jour le : 09/06/2022

La modification des ordonnances gaz et électricité, par un texte voté le 17 mars 2022[1], tente notamment d’apporter des réponses rapides à deux phénomènes menaçant l’accès à l’énergie des personnes résidant en Région bruxelloise : la hausse des prix et le manque d’offres commerciales disponibles, tout en transposant deux directives européennes récentes[2].
Les mesures proposées par le législateur bruxellois sont nécessaires et particulièrement pertinentes au regard du contexte extrêmement délicat vécu par de nombreux ménages.

Nous aborderons ici essentiellement les nouvelles mesures sociales contenues dans les ordonnances destinées à protéger les consommateurs vulnérables, mesures en lien étroit avec les pratiques du travail social dans le secteur de l’énergie. Cet article ne consiste donc pas en une liste exhaustive des modifications. Nous analyserons, dans une note ultérieure, le régime consolidé de placement des compteurs communicants (ainsi que les risques qu’il engendre notamment quant à la tarification dynamique qu’il rend possible)[3], et l’encadrement des communautés d’énergie (et l’opportunité qu’elles pourraient représenter pour les publics précarisés)[4].

Parmi les nouvelles mesures de protection sociale, nous épinglons principalement : le retrait total des limiteurs de puissance (1), la réforme du statut de client protégé (2), l’introduction de la fourniture garantie (3), la clarification du plafonnement des frais de recouvrement de dettes impayées (4), et l’amélioration de la procédure MOZA (5).

Nous citerons également, en ordre dispersé, quelques modifications additionnelles introduites par la réforme du 17 mars 2022 (6).

Cette analyse reste évidemment théorique et nous resterons attentifs aux applications des nouvelles mesures sur le terrain.

Avertissements préliminaires :
Afin de ne pas alourdir le texte, nous ferons référence, en note de bas de page, uniquement aux nouveaux articles de l’Ordonnance électricité. L’Ordonnance gaz suit la même structure mais les numéros d’articles sont légèrement décalés. Par ailleurs, après une description objective des nouvelles mesures, figurera parfois une observation critique, encadrée, du Centre d’Appui SocialEnergie.

  1. Le retrait total des limiteurs de puissance

L’ordonnance du 17 mars 2022 supprime définitivement les limiteurs de puissance, mécanisme jugé coûteux et inefficace pour limiter l’endettement des ménages concernés, sans compter son caractère vexatoire voire humiliant pour les ménages[5].

Sibelga réalisera une campagne d’enlèvement proactive endéans les 3 ans, pour ôter tous les limiteurs de puissance posés avant le 30 avril 2022[6]. Est également prévue la possibilité de téléphoner à Sibelga pour planifier un rendez-vous afin de procéder au retrait d’un limiteur.

La procédure de placement d’un limiteur de puissance est remplacée par une obligation, dans le chef du fournisseur, d’informer le gestionnaire du réseau de distribution de son intention d’entamer la procédure de résolution du contrat de fourniture[7]. Dès que le fournisseur l’a informé de son intention d’entamer une procédure de résolution du contrat, et au plus tard dans les dix jours suivant la réception de cette information, le gestionnaire du réseau de distribution avertit, par téléphone, le client final des conséquences du non-paiement du montant facturé. Il l’informe également de l’existence du système de protection sociale (statut de client protégé, etc.) et lui transmet les coordonnées du CPAS de sa commune de résidence et du centre d’information aux consommateurs de gaz et d’électricité (à savoir, Infor GazElec). L’ordonnance précise que ces informations devront être énoncées, à l’usager, dans un langage clair et compréhensible[8].

  1. La réforme du statut de client protégé (CP)[9]

Plusieurs modifications sont entrées en vigueur au 30 avril 2022 :

a) Le statut CP est désormais octroyé pour une durée maximale de 5 ans (durée qui était indéterminée sous le régime antérieur), sauf pour les personnes concernées par une médiation de dettes ou un règlement collectif de dettes, pour lesquelles la durée du statut reste indéterminée.

Le statut peut naturellement prendre fin anticipativement si la dette est remboursée plus rapidement, si le ménage ne respecte plus son plan d’apurement ou s’il ne rentre plus dans les conditions d’octroi.

 Cette durée nouvellement inscrite dans l’ordonnance devrait concrètement permettre d’encourager le fournisseur à la conclusion de plans d’apurement sur une durée de 5 ans.

Nous regrettons toutefois que cet encouragement ne soit pas une obligation pour le fournisseur de conclure des plans de paiement de 5 ans, si ceux-ci sont proposés par le ménage et seuls à même de concourir à l’équilibre budgétaire de ce dernier. Le statut de client protégé bénéficie au ménage, mais permet également au fournisseur d’être « déchargé » de sa dette et du client : imposer au fournisseur pareil plan de paiement serait donc équitable.

b) La confirmation du droit au maintien du statut est désormais faite tous les deux ans (alors que le régime précédent prévoyait une fréquence annuelle).

Tous les deux ans, le fournisseur de dernier ressort (Sibelga) demande :

au ménage de fournir la preuve qu’il réunit les conditions requises dans les 90 jours de sa demande écrite. Le fournisseur de dernier ressort en avertit le C.P.A.S. Passé ce délai, la suspension prend fin et le contrat entre le fournisseur et le ménage reprend tous ses effets. Le fournisseur de dernier ressort en avertit le C.P.A.S.

au fournisseur de confirmer que le ménage respecte son plan d’apurement. Si le ménage ne respecte pas son plan d’apurement, la suspension prend fin et le contrat entre le fournisseur et le ménage reprend tous ses effets. Le fournisseur de dernier ressort en avertit le C.P.A.S.[10].

En cas de non-respect du plan d’apurement, la protection sera stoppée au moment du contrôle.

Cette modification ambitionne d’augmenter l’attractivité du statut en limitant les éléments de procédure à charge du bénéficiaire.

Nous saluons particulièrement cette avancée, qui permettra de lutter plus efficacement contre le non-recours au statut de CP.

c) Lorsque le statut de CP est octroyé par Brugel[11], les plafonds de revenus du demandeur sont rehaussés 

Désormais, le plafond de revenus nets imposables est de 37.600 € (voire 52.600 € s’il y a au moins deux revenus au sein du ménage), majoré de 3.000 € pour la première personne à charge et de 1.500 € pour les personnes à charge suivantes[12] [montants égaux à ceux pour pouvoir bénéficier de la catégorie III des primes RENOLUTION 2022[13]].

Les plafonds ont été rehaussés pour protéger la tranche de la population dite « classe sociale intermédiaire », ne bénéficiant pas du tarif social fédéral, qui – auparavant – n’éprouvait pas de difficulté à honorer les factures d’énergie, mais qui est confrontée aujourd’hui à des factures de plus en plus élevées.

De manière générale, les augmentations spectaculaires des tarifs commerciaux en Région bruxelloise s’élèvent à 89 % pour l’électricité et à 230 % pour le gaz, entre avril 2021 et avril 2022. Pour le tarif social, les augmentations sont de 15 % pour l’électricité et de 18 % pour le gaz.

 Il est dès lors intéressant de rappeler, factuellement, qu’en mai 2022, le différentiel entre les prix du marché et le tarif social est très significatif :

  • Electricité : pour une consommation annuelle de 3.500 kWh : 1.513 € au tarif commercial, et 809 € au tarif social ;
  • Gaz : pour une consommation annuelle de 12.700 kWh : 2.394 € au tarif commercial, et 407 € au tarif social.

Concrètement, avec les nouveaux plafonds de revenus précités, 80 % des personnes résidant en Région de Bruxelles-Capitale peuvent avoir accès au statut de client protégé, à condition d’avoir reçu une mise en demeure après facture d’énergie impayée.

Si ce rehaussement des plafonds de revenus est salutaire, il parait, par ailleurs, indispensable de repenser les canaux d’attribution et de communication du statut, pour répondre aux incapacités ponctuelles de remboursement : lorsque l’endettement énergie ne résulte pas d’un problème structurel mais bien de conditions ponctuelles et/ou temporaires (perte d’un travail ou d’une aide, déménagement problématique, maladie, changement de situation familiale, etc.), les ménages devraient pouvoir solliciter le statut plus facilement. Ces derniers peuvent ne pas être familiers avec les services sociaux ni avec Brugel.

Il faudra procéder à un renforcement de la communication autour de ce statut et, idéalement, ouvrir de nouveaux canaux d’attribution (mutuelles, maisons médicales, services sociaux associatifs, …). En effet, le nombre annuel global de bénéficiaires du statut de CP ne dépasse pas 2.200 personnes[14], ce qui reste très modique. Sur le plan opérationnel, Brugel a toutefois travaillé à un nouveau formulaire d’octroi du statut de CP, qui peut être sollicité via son site internet. Brugel a également renforcé son équipe professionnelle en charge de cette question.

d) Automatisation partielle du statut de CP pour des consommateurs jugés particulièrement vulnérables

Les personnes ciblées pour cette automatisation partielle sont les ménages qui ont droit au tarif social fédéral et qui ont reçu  une mise en demeure pour une dette supérieure à 150€ pour une facture d’électricité ou de gaz ou une dette supérieure à 250€ pour une facture unique reprenant les deux énergies.

Ces ménages sont transférés automatiquement chez Sibelga 60 jours après l’envoi de la mise en demeure précitée.

Cette automatisation partielle est une avancée significative. Nous regrettons néanmoins qu’un tarif plus avantageux que le tarif social ne soit proposé aux bénéficiaires. Ainsi, pour les clients bénéficiant déjà du tarif social fédéral, le statut de client protégé devrait s’accompagner d’un tarif plus favorable encore (ce qui rendrait le statut de client protégé financièrement plus attractif pour ce segment de population), dans le but de leur permettre de dégager un budget consacré au remboursement de la dette. Nous proposons, à titre d’exemple, un tarif social à la TVA diminuée (6 %, à l’instar de la TVA en matière d’eau, bien de première nécessité) voire supprimée. La TVA étant une compétence fédérale, il serait nécessaire que les différents niveaux de pouvoir  s’accordent pour ce faire.

Dans le même ordre d’idée, sauf aménagement suggéré au point précédent, nous interrogeons le caractère adapté de ce statut pour les ménages en situation de grande précarité. Pour ceux-ci, dont le budget est structurellement incompatible avec la possibilité de rembourser une dette tout en s’acquittant des factures du fournisseur de dernier ressort, le statut de client protégé peut ne pas être une mesure adéquate. Une prise en charge de la dette par le Fonds Gaz Electricité et un accompagnement social renforcé nous semblent être les seules mesures pertinentes pour ce cas de figure.

Plus globalement, nous questionnons le modèle de marché qui résulte des innovations que sont le rehaussement des plafonds de revenus, d’une part, et l’automatisation partielle du statut de CP, d’autre part. Le fournisseur commercial, dans ce modèle, est rapidement déchargé de la dette et n’assume plus aucune part de risque. Le coût ne sera-t-il pas trop élevé pour la collectivité qui devra assumer les personnes en difficulté de paiement tandis que le fournisseur ne gardera dans son giron que les ménages qui parviennent à assumer leur facture ? Si nous sommes, évidemment, partisans de la solidarité entre les ménages, nous ne pourrions par contre pas nous positionner en faveur d’un système qui grèverait systématiquement le budget public en faveur des entreprises privées. Nous espérons, dès lors, que les impacts ont été correctement estimés et que le modèle est équilibré entre toutes les parties.

  1. L’introduction de la fourniture garantie

Innovation majeure dans l’ordonnance du 17 mars 2022, le législateur a introduit un mécanisme de « fourniture garantie » d’énergie (gaz et électricité). Selon l’exposé des motifs de l’ordonnance, la « fourniture garantie » (FG) a pour objectif de répondre aux situations les plus critiques dans l’hypothèse où l’accès à l’énergie fait défaut ou dans l’hypothèse où l’accès à l’énergie est menacé car le ménage a des dettes auprès de minimum deux fournisseurs. L’exposé des motifs ajoute que la FG est conçue en complément au statut de client protégé, et n’a pas pour vocation de remplacer ce dernier.

Le texte des ordonnances « électricité » et « gaz » stipule précisément ceci :

« Dans l’hypothèse où l’alimentation d’un ménage fait défaut ou dans l’hypothèse où le ménage a des dettes auprès d’au moins deux fournisseurs, le C.P.A.S. peut, après enquête sociale, imposer au fournisseur de dernier ressort une fourniture garantie à charge du ménage pour une durée déterminée de douze mois. Le fournisseur de dernier ressort peut refuser la fourniture garantie dans l’hypothèse où le ménage a une dette de 300 euros ou plus auprès du fournisseur de dernier ressort et qu’aucun plan d’apurement raisonnable n’est conclu pour cette dette.

La fourniture garantie prend fin à l’expiration d’un délai de douze mois à compter du premier jour de la fourniture garantie par le fournisseur de dernier ressort, sauf si elle a pris fin préalablement à la demande du ménage ou si le ménage a conclu un contrat de fourniture portant sur le point de prélèvement concerné.
Le C.P.A.S. peut, après enquête sociale, renouveler pour une nouvelle durée déterminée de douze mois la fourniture garantie.
A l’échéance du délai de douze mois et en l’absence de contrat de fourniture pour le point de prélèvement concerné ou de renouvellement du droit à la fourniture garantie, le gestionnaire du réseau de distribution procède à la coupure du point de prélèvement concerné. La coupure d’un ménage en vertu du présent paragraphe ne peut intervenir pendant la période hivernale conformément au paragraphe 6.
Au plus tard quatre mois avant la fin de l’expiration du délai de douze mois, le fournisseur de dernier ressort envoie au ménage bénéficiant de la fourniture garantie une lettre pour :
lui rappeler la date d’échéance de son droit à la fourniture garantie ;
l’inviter à conclure un contrat de fourniture sortant ses effets au plus tard à l’échéance de son droit à la fourniture garantie ;
lui rappeler la possibilité de renouveler son droit à la fourniture garantie et l’inviter à s’adresser au C.P.A.S. de sa commune de résidence s’il souhaite demander ce renouvellement ;
lui rappeler qu’à l’échéance de son droit à la fourniture garantie, en l’absence de contrat de fourniture ou de renouvellement du droit à la fourniture garantie, il sera procédé à la coupure du point de prélèvement concerné.
Cette notification se fait par lettre recommandée.
Si le ménage bénéficiant de la fourniture garantie a constitué des dettes à l’égard du fournisseur de dernier ressort, celui-ci peut recouvrer ses créances par toute voie de droit
 »[15].

En bref, la FG est activée sur injonction du CPAS, assurée par Sibelga et facturée au tarif social, selon les modalités suivantes :

o   Durée de 12 mois renouvelable.

o   Le CPAS a un rôle décisionnel, devant permettre de garantir l’accompagnement social du ménage concerné et la pertinence sociale du recours à la mesure.

o   Sibelga pourra refuser cette fourniture (et donc son renouvellement) lorsque le demandeur a une dette de 300€ ou plus auprès de Sibelga et qu’aucun plan d’apurement n’est conclu.

Il appartiendra donc au CPAS de vérifier auprès des fournisseurs si l’usager a des dettes auprès au moins de deux d’entre eux[16]. Cette condition sera réunie si le CPAS recueille l’une des preuves formelles suivantes[17] : jugement du fournisseur qui alimente le point et qui établit la dette ; jugement d’un ancien fournisseur datant de moins de 3 ans ; un refus de faire offre datant de moins de 3 mois ; une lettre de mise en demeure sur facture de régularisation datant de moins de 3 mois ; un courrier d’huissier réclamant la dette et datant de moins de 3 mois.

Le CPAS contrôlera également l’existence d’une dette auprès de Sibelga, en sondant ce dernier ; Sibelga fournira sa réponse au CPAS endéans les 2 jours ouvrables. Les dettes prises en compte ici sont uniquement celles liées à la fourniture d’énergie par Sibelga (au bénéfice des clients protégés ou des clients hivernaux), pour des factures datant de moins de  5 ans. En outre, la présence d’une telle dette égale ou supérieure à 300 € ne pourra conduire au refus de la FG qu’en cas d’absence de plan de paiement respecté depuis au moins deux mois avant la demande de fourniture garantie. Un plan de paiement sera jugé respecté si on constate au minimum deux paiements récents, et maximum une échéance non respectée.

Le formulaire de demande de fourniture garantie par le CPAS est disponible ici

L’idée d’une fourniture garantie nous semble particulièrement pertinente au regard de la situation du marché bruxellois de l’énergie et la raréfaction des fournisseurs commerciaux. Nous émettons toutefois quelques interrogations et/ou suggestions sur les modalités d’octroi et de mise en œuvre :

Il faudra s’assurer que les personnes ne disposant pas d’un titre de séjour puissent en bénéficier. Il s’agit d’un public particulièrement précaire sur le marché de l’énergie qui devrait donc également être protégé. Le passage par le CPAS risque de les exclure de facto de cette mesure, à défaut d’une clarification explicite sur le fait qu’ils peuvent en être bénéficiaires.

Plutôt que de réserver l’exclusivité aux CPAS pour l’octroi de la FG, l’accès à la fourniture garantie devrait également pouvoir être obtenu à tout le moins via les services de médiation de dettes et services sociaux agréés.

La question demeure pour ce qui concerne les critères qui permettront aux travailleurs de CPAS de décider de faire appel au Fonds Gaz Electricité pour apurer l’une des dettes auprès des fournisseurs commerciaux ou d’activer la fourniture garantie. Il faut éviter que les citoyens de la Région de Bruxelles-Capitale soient inégaux dans les possibilités d’aide selon la commune où ils résident et donc le CPAS duquel ils dépendent. Outre le fait qu’en l’état certains sont (beaucoup) plus accessibles que d’autres, le traitement des dossiers dépendra plus encore de la politique du CPAS eu égard aux factures d’énergie impayées et variera d’une commune à l’autre.

La décision du CPAS, si elle consiste à ne pas imposer au fournisseur de dernier ressort de pourvoir à la FG, devrait pouvoir être contestée devant le Tribunal du travail. A cet effet, toute décision du CPAS relative à la FG doit être dûment notifiée à l’usager.

  1. Une clarification quant au plafonnement des frais de recouvrement amiable de dettes impayées

Dans la version des ordonnances « gaz » et « électricité » préalable à la réforme du 17 mars 2022, il subsistait un certain doute ou, en tout cas, une certaine liberté d’interprétation dans le chef des différents acteurs (parmi lesquels les fournisseurs évidemment, mais aussi les juges) sur la question de savoir si la clause pénale devait – ou pas – être incluse dans le plafond des 55 € de frais de recouvrement amiable.

Cette question est désormais résolue, à travers les nouvelles dispositions en vigueur, stipulées comme suit :

« Pour autant qu’elles aient été contractuellement fixées, aucune somme autre que celles indiquées ci-dessous ne peut être réclamée au consommateur :

 1° tous frais de recouvrement pour impayés ne peuvent excéder 7,50 euros pour un rappel et 15 euros pour la mise en demeure, étant entendu que les frais totaux de recouvrement et administratifs ne pourront excéder la somme de 55 euros par contrat de fourniture »

 Pour l’application du présent point :
a) le plafond de 55 euros s’applique pendant la procédure de recouvrement amiable, dès l’envoi du premier rappel de paiement, et prend fin lors du paiement intégral de la dette ou lors de la saisine du juge de paix ;
b) on entend par « frais totaux de recouvrement et administratifs » : les frais de rappel, de mise en demeure, d’intérêt contractuel de retard, de clause pénale ou d’un tiers qui exerce une activité de recouvrement amiable des dettes ;

2° le solde restant dû »[18].

Il faut saluer vivement le fait que le plafond de 55 € englobe dorénavant l’éventuelle clause pénale, de même que les intérêts de retard (qui, auparavant, pouvaient s’ajouter au plafond précité).

Il faut, en revanche, regretter que les ordonnances bruxelloises n’aient pas utilement précisé que l’intérêt contractuel doit être plafonné au taux légal. De même, le texte légal laisse penser que des frais peuvent être portés en compte lorsque c’est un tiers qui agit en phase de recouvrement amiable (société de recouvrement ou huissier), alors que ce n’est pas le cas[19].

  1. L’amélioration de la procédure MOZA

Il est désormais interdit pour Sibelga de couper dans le cas où il constaterait que le lieu alimenté est toujours occupé par le client connu du fournisseur. Sibelga doit demander au fournisseur le retrait de la demande de coupure ainsi que rapporter la situation au régulateur dans ce cas.

Les ordonnances précisent les modalités d’enquête et leurs conséquences :

« En outre, lorsque le gestionnaire du réseau de distribution est chargé par un fournisseur de couper un point de prélèvement non couvert par un contrat ou non fourni par défaut, il prend les mesures nécessaires pour vérifier la présence éventuelle d’un client final et l’invite à régulariser sa situation contractuelle dans les quarante jours. Ces mesures consistent en une enquête administrative suivie, en cas de non régularisation par le client final, d’une courte enquête sur place. A défaut de régularisation de la part du client final dans le délai de quarante jours ou dès que l’absence d’un client final est confirmée, l’autorisation du juge de paix pour la coupure n’est plus requise (…)

Lorsque le gestionnaire du réseau de distribution est chargé par un fournisseur de couper un point de prélèvement non couvert par un contrat ou non fourni par défaut, et qu’il résulte de l’enquête administrative ou de l’enquête sur place que le client final est le dernier occupant connu du gestionnaire du réseau de distribution, le gestionnaire du réseau de distribution ne coupe pas le point de prélèvement et demande au fournisseur d’annuler la demande de coupure (…) »[20].

  1. Quelques modifications additionnelles

Parmi les modifications additionnelles, nous recensons les suivantes :

  • Les ordonnances confirment que les contrats de fourniture sont conclus pour une période fixe de trois ans au moins. En ajoutant qu’un ménage peut désormais y mettre fin moyennant un délai de résiliation de maximum trois semaines (alors que le délai précédent était de maximum 2 mois)[21] ;
  • Les ordonnances « gaz » et « électricité » consacrent le droit de changer de fournisseur d’électricité en 24h[22], dans un désir de promotion du client « actif » et une volonté d’autonomisation du client final ;
  • La disposition relative à la possibilité de fournir une photographie du compteur à défaut d’un relevé d’index contradictoire est étendue à l’ancien occupant (occupant sortant)[23] ;
  • Les modalités d’ouverture et de fermeture à distance des compteurs intelligents sont encadrées et des dispositions spécifiques s’appliquent lorsque la fermeture ne fait pas suite à une demande de l’utilisateur du réseau[24] ;
  • Une attention est mise autour de la transparence et de la lisibilité des factures ;
  • Les ordonnances clarifient le caractère suspensif de la saisine du Service des litiges de Brugel, dès lors que le service poursuit la plainte, ainsi que les modalités du recours contre les décisions du Service des litiges y compris en prévoyant explicitement la compétence du Tribunal de première instance de Bruxelles. Les ordonnances ajoutent, par ailleurs, la possibilité d’introduction d’une plainte en réexamen contre les décisions du Service des litiges[25].

Conclusion

La réforme législative doit être saluée sur bien des points. Nous attirons toutefois l’attention sur le point fondamental suivant : ces mesures législatives demeurent d’ordre curatif, sans remettre en cause le système actuel de gestion de l’énergie bruxellois. Ce dernier, nous le constatons tous les jours sur le terrain, mène à des inégalités en matière d’accès à l’énergie.

Sans une réflexion politique plus globale (et ambitieuse) sur la manière dont l’on souhaite gérer, distribuer et commercialiser l’énergie, la plupart des mesures ne suffiront pas à assurer que chacun puisse consommer ce bien de première nécessité selon ses besoins et non selon ses moyens. Il est notamment urgent d’entamer les réflexions concernant la création d’un fournisseur « public citoyen ».

 

 

[1] Voy. Ordonnance du 17 mars 2022 « modifiant l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance du 1er avril 2004 relative à l’organisation du marché du gaz en Région de Bruxelles-Capitale, concernant des redevances de voiries en matière de gaz et d’électricité et portant modification de l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale et l’ordonnance du 12 décembre 1991 créant des fonds budgétaires en vue de la transposition de la directive 2018/2001 et de la directive 2019/944 », publiée au Moniteur belge le 20 avril 2022, entrant en vigueur le 30 avril 2022 (la règle étant qu’un texte entre en vigueur 10 jours après sa publication), https://www.ejustice.just.fgov.be/eli/ordonnance/2022/03/17/2022020646/moniteurfin. L’ordonnance du 17 mars 2022 modifie donc les ordonnances précédentes, notamment celles de 2001 pour l’électricité et de 2004 pour le gaz. Prochainement, il conviendra de consulter la « version consolidée » de chacune des ordonnances « gaz » (www.ejustice.just.fgov.be/eli/ordonnance/2004/04/01/2004031172/justel) et « électricité » (www.ejustice.just.fgov.be/eli/ordonnance/2001/07/19/2001031386/justel), à savoir la version de ces ordonnances-là intégrant les modifications opérées par l’ordonnance du 17 mars 2022. Toutefois, cette version consolidée n’est, au 27 mai 2022, pas encore disponible. En cliquant sur les hyperliens précités, on constate qu’ils ne contiennent que les modifications des ordonnances intervenues jusqu’en 2020.

[3] Le nouvel art. 2, 21°ter de l’ordonnance « électricité » (du 19 juillet 2001) définit le compteur intelligent comme le « compteur électronique qui est capable de mesurer l’électricité injectée dans le réseau ou l’électricité prélevée depuis le réseau en fournissant davantage d’informations qu’un compteur classique, et qui est capable de transmettre et recevoir des données en utilisant une forme de communication électronique ». Le nouvel art. 2, 74° de l’ordonnance « électricité » qualifie le contrat de fourniture à « tarification dynamique » de « contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur et un client final qui reflète les variations de prix sur les marchés au comptant, y compris les marchés journaliers et infrajournaliers, à des intervalles équivalant au moins à la fréquence du règlement du marché ». Voy. également le nouvel article 25ter, § 1er de l’ordonnance « électricité » : « A tout client final équipé d’un compteur intelligent qui le lui demande, le fournisseur fait également, dans les dix jours ouvrables, une proposition raisonnable et non discriminatoire de contrat de fourniture à tarification dynamique. En plus des informations prévues au 1er alinéa, les fournisseurs communiquent dans la proposition de contrat de fourniture à tarification dynamique les opportunités, les coûts, les risques et les obligations, y compris la nécessité d’être équipé d’un compteur intelligent, liés à un contrat de fourniture à tarification dynamique. Le fournisseur qui a moins de 200.000 clients finals au niveau national est exempté de l’obligation visée à l’alinéa précédent ».

[4] Pour accélérer la transition énergétique juste et solidaire de la Région bruxelloise, les principaux jalons posés par l’ordonnance visent ainsi à développer les communautés d’énergie pour soutenir le partage local d’énergies renouvelables. Le nouvel art. 2, 57° de l’ordonnance « électricité » (du 19 juillet 2001) stipule que la communauté d’énergie peut être une communauté d’énergie citoyenne, une communauté d’énergie renouvelable ou une communauté d’énergie locale. Les nouveaux art. 2, 58°, 59° et 60° définit chacune de ces communautés. Pour quelques informations sur les « partage et communauté d’énergie », voy. notamment les documents du séminaire du 9 mai 2022 : https://environnement.brussels/thematiques/batiment-et-energie/seminaires-et-formations/seminaires-colloques-visites-de-site/actes-notes-et-slides/actes-des-seminaires-batiment-durable-2022.

[5] Voy. le nouvel article 25quater, alinéa 1er de l’ordonnance « électricité » et l’abrogation de l’art. 25quinquies de la même ordonnance (suppression de la possibilité pour un ménage de demander la pose d’un limiteur de puissance) ; voy. également l’art. 160 de l’ordonnance du 17 mars 2022 : « Les limiteurs de puissance installés conformément au chapitre IVbis de l’ordonnance du 19 juillet 2001 relative à l’organisation du marché de l’électricité en Région de Bruxelles-Capitale avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance sont débranchés par le gestionnaire du réseau de distribution dans les trois ans de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance. Les frais réels d’enlèvement des limiteurs de puissance sont à charge du budget des obligations et missions de service public du gestionnaire du réseau de distribution. Le gestionnaire du réseau de distribution informe annuellement Brugel du nombre de limiteurs de puissance qu’il a débranché ».

[6] Date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 mars 2022 et dès lors de l’interdiction des limiteurs.

[7] Voy. le nouvel article 25sexies § 1er de l’ordonnance « électricité ».

[8] Voy. le nouvel article 25sexies § 3 de l’ordonnance « électricité ».

[9] Pour un rappel sur le fonctionnement du statut de CP, voy. : https://www.socialenergie.be/mesures-sociales/mesures-sociales-gazelec/le-statut-de-client-protege/. En bref, le statut de client protégé permet d’être fourni au tarif social par le gestionnaire de réseau de distribution (Sibelga), le temps d’apurer la dette envers le fournisseur commercial. Il vise donc à ce que l’usager ne s’endette pas davantage et qu’il soit protégé de la coupure durant la période du remboursement de la dette.

[10] Voy. le nouvel art. 25septies § 6 de l’ordonnance « électricité ».

[11] Pour rappel, le statut de CP peut également être attribué par le CPAS du lieu de résidence du demandeur ou par Sibelga, à des conditions déterminées dans les ordonnances. Voy. notamment l’art. 25septies de l’ordonnance « électricité ».

[12] Voy. le nouvel art. 25septies § 3 de l’ordonnance « électricité ».

[13] Sur ces primes, voy. https://www.socialenergie.be/transition-energetique-des-logements-en-region-bruxelloise-des-nouvelles-primes-renolution-pour-renover-et-isoler-les-batiments/

[14] Chiffres en mars 2022, identiques à ceux recensés en mai 2019.

[15] Voy. le nouvel art. 25octies § 9 de l’ordonnance « électricité ».

[16] Selon de récents travaux de réflexion entre Brugel et Sibelga, la dette « fournisseur », à savoir le montant dû (principal + frais), doit être active, à savoir non vendue ni passée en irrécouvrable.

[17] Cette énumération est le résultat des travaux de réflexion entre Brugel et Sibelga.

[18] Voy. le nouvel art. 25sexies § 2, al. 2 de l’ordonnance « électricité ».

[19] Conformément à l’article 5 de la loi du 20 décembre 2002 sur le recouvrement amiable des dettes du consommateur.

[20] Voy. le nouvel article 25sexies, § 4, al. 4 de l’ordonnance « électricité ».

[21] Voy. le nouvel 25quater, alinéa 5, de l’ordonnance « électricité ».

[22] Voy. le nouvel article 25duodecies, alinéa 1er de l’ordonnance « électricité ».

[23] Voy. le nouvel article 25decies, alinéa 2, de l’ordonnance « électricité ».

[24] Voy. notamment le nouvel article 26decies de l’ordonnance « électricité ».

[25] Voy. le nouvel 30novies de l’ordonnance « électricité ».