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Jurisprudences de la section eau

Décisions en matière de prescription de la dette d’eau

Publié le: 10/06/2016 - Mis à jour le : 11/01/2017

En réponse à une question préjudicielle soulevée par le Juge de Paix de Florennes-Walcourt, la Cour d’Arbitrage (actuelle Cour constitutionnelle) a tranché, par son arrêt du 9 janvier 2005, le délai de prescription concernant des factures d’eau dues à une Intercommunale1.

Selon la Cour, «  la dette relative à des fourniture d’eau est semblable aux dettes visées par l’article 2277 du Code civil, puisque dès lors qu’elle est périodique et que son montant augmente avec l’écoulement du temps, elle risque de se transformer, à terme, en une dette de capital à ce point importante qu’elle pourrait causer la ruine du débiteur ». Les dettes d’eau se prescrivent donc par 5 ans.

Par ailleurs, un juge de paix de Fontaine l’Evêque fixe, dans un jugement du 13 decembre 2013, le point de départ de la prescription de 5 ans au jour où l’obligation devient exigible, à savoir au jour où la facture arrive à échéance2.

>>> Lire l’entièreté de la décision

[1] C.A., arrêt n° 15/2005 du 19 janvier 2005.
[2] Voy. J.L.M.B., 2013/33, pp. 1723 et suivants.

Décisions prononçant la coupure d’eau à défaut d’apurement de la dette

Publié le: 10/06/2016 - Mis à jour le : 13/06/2016

J.P. Molenbeek-Saint-Jean, 7 octobre 2014, n° R.G. 14A3022

Le demandeur en justice est Hydrobru. La partie défenderesse, à savoir le consommateur, sollicite des termes et délais pour s’acquitter de sa dette d’eau. Le juge estime que le client endetté se trouve dans la situation de l’article 1244 Code civil1– « débiteur malheureux et de bonne foi – et donc que des facilités de paiement doivent lui être accordées.

Il est intéressant de constater que le juge écarte la demande d’Hydrobru relative aux indemnités de rupture et/ou relative à des frais administratifs et/ou aux clauses pénales.

En effet, conformément au Code de droit économique (ex-loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques de marché et à la protection du consommateur), les clauses abusives sont nulles. Or, sont abusives les clauses unilatérales, à savoir des clauses et/ou conditions qui déterminent le montant d’une indemnité due par un consommateur n’exécutant pas ses obligations, sans prévoir une clause identique à charge du vendeur qui ne respecte pas les siennes.

Le jugement, dans son dispositif, prévoit classiquement les modalités suivantes :

  • Entérinement d’un plan de paiement ; en l’espèce 80 EUR/mois
  • Clause selon laquelle à défaut de paiement d’une des mensualités dans les 10 jours de l’une des échéances, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible sans mise en demeure préalable
  • Clause additionnelle selon laquelle, à défaut de paiement dans les 45 jours de la signification (=remise du jugement par huissier au consommateur endetté et condamné à payer) du jugement, Hydrobru est autorisé à interrompre la fourniture d’eau au compteur d’eau n°XXX, conformément aux dispositions de l’Ordonnance du 8 septembre 1994 de la Région de Bruxelles-Capitale réglementant la fourniture d’eau alimentaire aux abonnés

>>> Lire l’entièreté de la décision

J.P. 6e Canton de Bruxelles, 30 septembre 2014, n° R.G. 14A3219.

A nouveau, le demandeur en justice est Hydrobru. En l’espèce, le consommateur fait défaut, à savoir il ne se présente pas à l’audience. En conséquence, il est condamné à payer l’entièreté de la somme sans plan de paiement.

Le jugement prévoit une clause finale selon laquelle, à défaut de paiement dans le mois de la signification du jugement, Hydrobru est autorisé à interrompre la fourniture d’eau au compteur d’eau n°XXX, conformément aux dispositions de l’Ordonnance du 8 septembre 1994.

>>> Lire l’entièreté de la décision

[1] « Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette même divisible. Le juge peut néanmoins, nonobstant toute clause contraire, eu égard à la situation des parties, en usant de ce pouvoir avec une grande réserve et en tenant compte des délais dont le débiteur a déjà usé, accorder des délais modérés pour le paiement et faire surseoir aux poursuites, même si la dette est constatée par un acte authentique, autre qu’un ju

Décision impliquant le Fonds Vande Lanotte dans le paiement de factures d’eau

Publié le: 10/06/2016 - Mis à jour le : 13/06/2016

Trib. Trav. (13e chambre), 18 décembre 2009, RG n°9638/09 9639/08 9640/09

A l’occasion d’un litige en matière d’aide sociale entre, d’une part, une mère de famille monoparentale, allocataire sociale et surendettée, et d’autre part, le CPAS d’Anderlecht, le tribunal du travail de Bruxelles précise le champ d’intervention du Fonds Vande Lanotte (ou Fonds Gaz Electricité) institué par la loi du 4 septembre 2002 visant à confier aux centres publics d’action sociale la mission de guidance et d’aide sociale financière dans le cadre de la fourniture d’énergie aux personnes les plus démunies. Sur la base des travaux parlementaires de cette loi ainsi que d’une circulaire du 3 avril 2003 émanant de l’Administration de l’Intégration sociale, le tribunal déduit que le Fonds peut être utilisé pour couvrir d’autres dettes que les dettes d’énergie dès lors qu’il existe au moins une dette d’énergie (gaz et/ou électricité). La circulaire stipule ainsi que « par factures impayées (que le Fonds peut prendre en charge, ndlr) ; il y a lieu d’entendre tant les factures de gaz et d’électricité que les autres factures également… Car la guidance doit partir d’une approche globale afin d’obtenir un résultat cohérent ».

En l’espèce, le CPAS est condamné, en puisant sur le Fonds Gaz Electricité, à prendre en charge les dettes de consommations de gaz, d’électricité, mais aussi d’eau, ainsi que les arriérés de loyers1.

Il faut toutefois relever que vu l’existence du Fonds social de l’Eau, les CPAS de la Région de Bruxelles-capitale sont réticents à grever les factures d’eau sur le Fonds Vande Lanotte.

[1] Il est ajouté que « si la situation d’endettement de Madame X est telle qu’elle ne peut plus faire face à de nouvelles dettes, il appartient au CPAS d’Anderlecht de clairement conditionner toute nouvelle aide éventuelle au dépôt d’une requête en règlement judiciaire collectif de dettes ».

Décisions refusant une interruption de fourniture d’eau, et consacrant indirectement un droit minimal à l’eau

Publié le: 27/05/2016 - Mis à jour le : 13/06/2016

Dans un contexte de factures d’eau impayées, la législation prévoit que, aucune coupure d’eau (sauf d’ordre technique ou par sécurité) ne peut avoir lieu du 1er juillet au  31 août, et du 1er novembre au 31 mars. Par contre, rien n’est prévu en matière de fourniture minimale d’eau en dehors de ces périodes.

  • Dans un jugement du 24 mai 20041, le Juge de Paix du canton de Mouscron-Comines-Warneton refuse une demande d’interruption de fourniture d’eau demandée par une société de distribution confrontée à des factures impayées. Le Juge déclare que la société de distribution doit élaborer un système qui permette de réduire la fourniture d’eau au strict nécessaire, afin de se conformer aux besoins indispensables liés à la dignité humaine.
  • Le Juge de Paix du Canton de Fontaine-l’Evêque prend, le 15 octobre 2009, une décision dans le même sens2. Il rappelle que le droit à l’eau est « le droit pour toute personne, quel que soit son niveau économique, de disposer d’une quantité minimale d’eau de bonne qualité qui soit suffisante pour la vie et la santé3. Le droit à l’eau fait partie des droits de l’homme reconnus au plan international peut être associé au droit à la dignité humaine.Le juge ajoute que « la mise en œuvre par les Etats du « droit à l’eau » ne signifie pas qu’ils sont tenus de fournir gratuitement de l’eau à toute personne ». Il juge néanmoins, et c’est fondamental, qu’ « admettre le bien-fondé d’une demande de coupure totale (notamment) sous prétexte que l’usager a accumulé une dette importante, qu’il a déjà fait l’objet de condamnations antérieures ou encore, qu’il ne respecte pas un plan d’apurement, reviendrait à confier au juge le pouvoir d’imposer une mesure qui dans tous les cas et par essence, serait de nature à violer le principe consacré non seulement par l’article 23 de la Constitution mais aussi par toutes les dispositions supranationales (…).

    Même une défaillance chronique de l’usager à son obligation de paiement ne saurait le priver du droit élémentaire au respect de sa dignité. En conséquence, seule une coupure d’alimentation en eau, avec le maintien d’un débit minimal, est de nature à préserver la dignité humaine de l’usager. Celle-ci constitue, en effet, un principe supérieur qui s’impose à tous les acteurs de la vie économique, qu’ils relèvent du secteur privé ou du secteur public mais, a fortiori, en va-t-il ainsi lorsqu’ils sont investis d’une mission de service public qui touche aux droits fondamentaux de tout être humain ».

  • Le Juge de Paix du Canton de Fontaine-l’Evêque adopte un jugement similaire le 5 novembre 2012, en précisant que le fait que les législateurs régionaux ont modulé le régime normal de l’exception d’inexécution résulte de la nature même de la mission de service public des sociétés distributrices d’eau (ici, la Société Wallonne Des Eaux (S.W.D.E), vu que les faits se déroulent en Région wallonne), et que l’eau constitue une ressource commune et vitale à laquelle tout être humain a droit. Le juge de Paix rejette dès lors la demande d’autorisation de cesser la fourniture d’eau au motif que le client ne payait plus ses factures depuis longtemps.
  • Le Tribunal de 1ère instance de Charleroi, saisi d’un appel de la S.W.D.E. contre le jugement du juge de paix de Fontaine-l’Evêque en matière de coupure d’eau, confirme le 22 février 2013 la décision de ce dernier4. Le tribunal se fonde sur l’article 23 de la Constitution et déclare qu’aucune mesure allant à l’encontre du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ne peut être prise. Le Juge déclare « qu’en l’état actuel de notre société, il n’est pas concevable qu’une personne soit privée totalement d’eau ». Il ajoute que la mise en balance des droits protégés par l’article 23 de la Constitution et de ceux consacrés par le Code wallon de l’eau (qui autorise dans des cas précis, à couper la fourniture d’eau – article D.202) empêche de considérer la coupure totale comme une mesure raisonnable, et ce d’autant plus « eu égard à la paupérisation grandissante d’une grande partie de la population ». Une mesure sanctionnatrice nécessaire tout en respectant la dignité humaine serait, selon le tribunal, de maintenir un approvisionnement minimal en eau, à travers un limiteur de débit. Cette possibilité n’étant pas prévue par la législation régionale wallonne actuelle (idem dans les Régions bruxelloise et flamande) alors qu’elle est techniquement possible, le tribunal décide de rejeter la demande d’interruption totale de distribution d’eau.

[1] J.P. Mouscron-Comines-Warneton, 24 mai 2004, RGDC, 2008, p. 274.
[2] Voy. décision
[3] (voy. H. Smets (Conseil Européen du droit de l’environnement), « Reconnaissance et mise en œuvre du droit à l’eau », Rev. Trim. Dr. H., 2002, pp. 837 et s.)
[4] Civ. Charleroi, 22 février 2013, RG n° 12/3855/A.