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Transition énergétique des logements en Région bruxelloise : des nouvelles primes « RENOLUTION » pour rénover et isoler les bâtiments

Publié le: 12/04/2022 - Mis à jour le : 14/04/2022

Depuis le 1er mars 2022, les Primes RENOLUTION deviennent le nouveau dispositif de primes régionales, fusionnant les Primes Énergie et les Primes à la rénovation de l’habitat et à l’embellissement des façades. Au total, 45 Primes RENOLUTION sont disponibles tant pour des travaux de rénovation que des travaux économiseurs d’énergie. Le montant du budget dégagé pour ces primes en 2022 a été porté à 53,6 millions d’euros (et environ 350 millions sur toute la législature), afin de permettre le financement d’au moins 50 % du coût des travaux de rénovation énergétique des groupes à faibles revenus. L’objectif de cette prime est d’atteindre un niveau moyen de performance énergétique de 100 kWh/m²/an, soit le niveau C sur l’échelle de la PEB (Performance énergétique du bâtiment), d’ici 2050, pour le parc résidentiel bruxellois.

Contexte européen et régional bruxellois

Le contexte actuel est à la transition énergétique et aux efforts collectifs pour atteindre les objectifs climatiques. Au sein des Etats de l’Union européenne, la Commission européenne veut rendre obligatoire la rénovation des bureaux et bâtiments publics les moins performants énergétiquement à partir de 2027. Pour les logements privés, l’échéance proposée est 2030. Les bâtiments sont en effet, aujourd’hui, responsables de deux tiers des émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, selon les balises européennes, les bâtiments résidentiels les moins performants devraient avoir obtenu d’ici 2030 un certificat de performance énergétique (PEB) de niveau « F ». Trois ans plus tard, ces mêmes habitations devront avoir atteint l’échelon supérieur, à savoir la PEB « E ». Pour rappel, la classification du certificat PEB va de A (très performant en termes d’énergie) à G (très énergivore).

De son côté, la Région bruxelloise (RBC)  – où on estime que 45 % des logements ont un PEB « G » ou « F » – a approuvé, dès 2019, une stratégie ambitieuse prévoyant la mise en œuvre d’un mécanisme d’accomplissement obligatoire de travaux énergétiques. En vue d’atteindre le seuil requis en 2050 par la RBC (à savoir, une PEB « C » pour tous les bâtiments bruxellois en 2050), des travaux économiseurs d’énergie seront imposés à échéances régulières. Concrètement, selon les mesures approuvées en 2019, le processus sera phasé sur 25 ans, entre 2025 et 2050, avec comme première échéance le fait que tous les bâtiments régionaux devront disposer d’un certificat PEB pour 2025.

La Région bruxelloise se fondera ensuite sur cette PEB pour établir un plan de rénovation personnalisé de chaque bâtiment, qui devrait comprendre 5 volets[1], parmi lesquels une analyse de la dimension « énergie » du bâtiment au moment du diagnostic. Cet audit permettra alors de chiffrer le coût des rénovations à effectuer et d’établir une liste de travaux prioritaires. Ces derniers pourront consister en l’isolation du toit, des murs et des sols, le remplacement des fenêtres, des châssis, etc. À partir de 2030, le propriétaire devra choisir de réaliser, parmi ces travaux, une mesure au choix tous les cinq ans jusqu’à atteindre, en 2050, l’objectif PEB fixé par la Région au niveau minimal « C » à cette échéance. Un avant-projet d’ordonnance devrait être pris en ce début d’année 2022 pour confirmer le tout.

En attendant, en vue d’accompagner et soutenir financièrement les bruxellois dans la rénovation de leur bien, la RBC a déjà regroupé les différentes primes à la rénovation régionales dans une seule et unique prime appelée « RENOLUTION ».

Dans le cadre de sa Déclaration de politique régionale (DPR) 2019-2024, la Région bruxelloise avait en effet précisé que, durant cette législature, elle réviserait les primes au bâti (Rénovation ou Energie) afin de promouvoir et d’encourager deux objectifs publics essentiels :

  • Rénover le bâti bruxellois pour le rendre attractif et confortable pour les occupants tout en réduisant son coût d’occupation (permettre notamment la rénovation aux propriétaires, tout en veillant à garantir des loyers modérés) ;
  • Améliorer la performance énergétique des bâtiments pour répondre aux objectifs climatiques de la région et réduire la facture énergétique des ménages.

Ces deux objectifs sont intrinsèquement liés : ils agissent tous les deux sur le bâtiment et se répondent mutuellement. Réaliser un objectif permet en grande partie de réaliser l’autre.

Dans cette perspective, la DPR mentionne qu’« en ce qui concerne les primes régionales, une simplification sera menée, vers un dispositif de primes intégré pour la rénovation, rapprochant pleinement les primes énergie et les primes à la rénovation pour le public-cible commun des propriétaires occupants ». Tout en ajoutant que « l’accès aux primes pour les propriétaires bailleurs sera prévu en cohérence avec la politique de conventionnement locative régionale ».

Sur le plan opérationnel, la DPR stipule encore que « Ce dispositif unifiera les conditions d’accès, procédures et outils, pour aboutir notamment à une image commune, un formulaire unique de demande de primes et une plateforme unique pour l’échange de documents avec l’administration. Les primes seront adaptées pour encourager une approche globale et intégrée de la rénovation ».

Quel bâtiment vise les primes ? Qui peut en être bénéficiaire ?

Il existe des primes RENOLUTION pour tout type de bâtiment : logements unifamiliaux, immeubles à appartements, hôpitaux, maisons de repos, écoles, bureaux, commerces, industries… Et pour des profils de demandeur variés : propriétaires et copropriétaires occupants bruxellois, certains bailleurs, locataires pour certaines primes (ex. : prime pour couvrir les frais de « contrôle périodique »), syndics, gestionnaires de bâtiments…

Parmi les bailleurs, ceux qui louent leurs logements via une AIS ou qui sont conventionnés, ainsi que les AIS elles-mêmes, peuvent bénéficier d’un accès élargi aux primes et aides régionales. Le bailleur « conventionné » est celui qui applique un loyer raisonnable (repris dans la grille des loyers) pour un logement répondant à certaines exigences. Actuellement, le système de conventionnement n’est toutefois pas encore définitivement balisé.

Quel type de travaux sont couverts par les primes ?

Rappelons tout d’abord que les candidats à la rénovation d’un logement, lorsqu’ils sont des particuliers, peuvent préalablement bénéficier de conseils gratuits et personnalisés pour leur projet de rénovation. La Région a mis en place un dispositif d’accompagnement, « Homegrade », pour les particuliers.

« RENOLUTION » regroupe une série de 45 primes classées de « A à M » en fonction du type de travaux, dont la liste intégrale peut être consultée ici : https://environnement.brussels/sites/default/files/primes-premies/list_primes2022fr.pdf

Parmi les principales primes reprises dans RENOLUTION, nous recensons les suivantes :

  • Le montant de la prime pour un audit énergétique est identique pour toutes les catégories de revenus. Il s’élève à 400 euros par maison unifamiliale ou 3.000 euros par bâtiment (immeuble à appartements ou non résidentiel)[2].
  • Le maintien ou le renouvellement d’un système de récupération d’eau de pluie connecté aux sanitaires et électroménagers bénéficie d’une prime allant de 500 à 1.100 euros/unité de logement.
  • Pour la salubrité, il existe une prime relative aux problèmes d’humidité et une prime relative aux champignons, insectes et moisissures. Le montant est identique pour ces deux aides, il est calculé en fonction du pourcentage du coût éligible sur la facture (30 à 80% du coût selon la catégorie de revenus).
  • La prime pour l’isolation thermique de la toiture est, elle, calculée par mètre carré de surface isolée (de 35 à 55 euros/m² selon la catégorie de revenus).
  • L’isolation thermique des façades est également subsidiée, mais le montant, calculé par m² de surface isolée, dépend de la « technique » d’isolation, à savoir si elle a été réalisée par l’intérieur, par l’extérieur ou en coulisse. L’isolation par l’extérieur bénéficie d’une prime plus élevée (de 50 à 90 euros/m² selon la catégorie de revenus).
  • La prime au placement et remplacement des portes et fenêtres est, elle aussi, calculée par mètre carré de portes ou fenêtres et dépend du matériau choisi. Si les nouvelles menuiseries ou portes sont en bois, la prime s’élève de 100 euros à 140 euros/m² selon la catégorie de revenus. Si les menuiseries sont en PVC ou aluminium, le montant de la prime s’élève alors de 40 à 55 euros/m² selon la catégorie de revenus.
  • Le montant de la prime pour l’isolation thermique des sols et des planchers est également calculé sur la base des mètres carrés de sols isolés (de 35 à 45 euros/m² selon la catégorie de revenus).
  • L’installation d’une pompe à chaleur pour le chauffage, pour le bâti résidentiel, est soutenue par la Région bruxelloise, qui octroie une prime allant de 4.250 euros à 4.750 euros par logement.
  • L’installation de la ventilation double-flux, qui permet de transférer la chaleur de l’air sortant à l’air entrant, bénéficie aussi d’un soutien financier : de 3.000 euros à 4.300 euros par logement résidentiel.

Quel est le montant des primes ?

Le montant des primes dépend du type de travaux et des revenus du ménage. Plus les revenus sont bas, plus le montant de la prime sera élevé.

Le montant des primes est variable selon trois catégories de revenus : I, II ou III.

  • La catégorie I est la catégorie par défaut. Elle couvre, par exemple, le propriétaire qui effectue des travaux, mais ne souhaite pas fournir les documents relatifs à ses revenus, ou dont les revenus dépassent ceux du plafond de la catégorie II, ou encore si les travaux sont effectués au sein d’un bien non résidentiel.
  • La catégorie II regroupe les moyens revenus (entre 37.600 et 75.100 euros par an*)
  • La catégorie III, quant à elle, regroupe les bas revenus (inférieurs à 37.600 euros par an*), revenu d’intégration sociale, bénéficiaire d’une intervention majorée, etc.)[3].

    *
    Le plafond des revenus est toutefois majoré de 5.000 euros pour les ménages dont les membres ont moins de 35 ans, majoré également de 5.000 euros par personne à charge, et majoré de 15.000 euros si le ménage est constitué d’au moins deux personnes majeures ou d’une personne isolée avec au moins une personne à charge. La somme de toutes ces majorations est plafonnée à 15.000 euros.

Par exemple, un couple avec quatre personnes à charge entre dans la catégorie I si ses revenus sont supérieurs à 90.100 euros, dans la catégorie II s’ils se situent entre 52.600 et 90.100 euros et dans la catégorie faibles revenus si ceux-ci sont inférieurs à 52.600 euros.

Les montants des primes ont été actualisés. En effet, les primes à la rénovation de l’habitat et les primes à l’embellissement des façades en vigueur actuellement sont sous-évaluées par rapport aux prix actuels du marché.

Enfin, il existe un plafond de prime par bâtiment et par logement. Une fois le plafond atteint, il n’est pas possible de bénéficier de prime pendant 10 ans.

Quelles sont les conditions d’octroi des primes ?

Les deux principales conditions d’octroi de cette nouvelle génération de primes restent inchangées : elles ne sont accessibles que pour des travaux réalisés par des professionnels et ne s’appliquent que pour des bâtiments âgés de plus de 10 ans.

Concrètement, comment procéder pour obtenir les primes ?

La réforme vise l’optimalisation de l’utilisation des primes et la réalisation des objectifs d’amélioration de la PEB par les moyens suivants, ayant pour but d’accélérer la rénovation énergétique du bâti bruxellois :

  • la création d’une plateforme de demande informatisée régionale commune à l’administration en charge de la rénovation urbaine (Urban) et l’administration en charge de l’énergie (Bruxelles Environnement) ;
  • la mise en commun des conditions d’octroi des primes entre Urban et Bruxelles Environnement ;

Renolution.brussels est la plateforme de référence qui regroupe désormais toutes les informations utiles à l’obtention des primes et des différents soutiens financiers régionaux en matière de rénovation[4].

Une des grandes nouveautés de ce régime uniformisé est que toutes les demandes de primes se font désormais après travaux[5], dans un délai de 12 mois à dater de la dernière facture de solde de ces travaux. Le préfinancement (à savoir, le régime d’avance), possible avec l’ancien régime des primes, est remplacé en 2022 par un nouveau système de crédit global. Concrètement, le Fonds du Logement mettra en place un nouveau système de prêt via un préfinancement couvrant les montants des travaux de rénovation. Une collaboration sera établie entre Urban et le Fonds du Logement (FdL) afin d’informer ce premier du montant estimé de la prime RENOLUTION, et ce sur base du dossier introduit au FdL. Une plateforme documentaire commune sera consultable par les deux administrations.

Lorsqu’une personne souhaite effectuer une rénovation, elle peut soumettre une seule demande groupée pour toutes les primes auxquelles elle peut prétendre. Toute demande de primes se fait dorénavant au moyen d’un guichet électronique de la Région bruxelloise : https://irisbox.irisnet.be/irisbox/rep/landing.

Ce guichet unique est conçu pour uniformiser et simplifier les procédures administratives. Il permet notamment de générer automatiquement certains documents administratifs, de constituer un dossier, d’effectuer des simulations de primes et d’échanger ses documents avec les deux administrations compétentes, Urban et Bruxelles Environnement.

Le délai de traitement de la demande de prime devrait être de 90 jours (et le délai de complétude du dossier, de 90 jours également). Un recours contre un refus de prime devra être porté devant le Tribunal de Première Instance.

Quelques points d’attention

A travers la CGEE, le Centre d’Appui SocialEnergie siège au Conseil des Usagers de l’électricité et du gaz en Région bruxelloise (CDU), en vue d’émettre des avis au sujet des différentes réformes en la matière.

Le CDU a émis le 23 décembre 2021 un avis sur la réforme RENOLUTION[6], en rappelant, tout d’abord, que la réforme des primes ne peut être présentée comme une réponse adéquate et ponctuelle à l’augmentation des prix de l’énergie telle qu’elle s’est manifestée récemment. Les primes énergie sont bien entendu un moyen de protéger les consommateurs de la hausse de prix, mais elles doivent être envisagées dans une perspective à moyen terme et ne constituent pas une solution à court terme contre la flambée récente des prix.

Le CDU a ajouté souhaiter que le Gouvernement mène une évaluation de la réforme des primes, en particulier au regard des évolutions administratives engagées, mais également en lien avec la hausse des prix de l’énergie et l’évolution des prix des matériaux.

Le CDU a souligné par ailleurs la nécessité d’assurer un accès le plus élargi possible aux primes pour les propriétaires bailleurs, et ce afin de permettre l’utilisation de ces primes par la plus grande partie possible du parc immobilier bruxellois. Le CDU a également relevé l’importance fondamentale que revêt l’accompagnement dans le processus de demande de primes.

D’une part, l’introduction des demandes de primes ne peut donner lieu à une discrimination en raison de la fracture numérique. Le CDU encourage donc le Gouvernement à conserver un système ouvert qui laisse la possibilité aux demandeurs d’introduire leur demande en version papier et ne les contraigne pas à uniquement effectuer leur demande de manière électronique.

D’autre part, le CDU encourage le Gouvernement à assurer un suivi renforcé, via les mécanismes déjà mis en place (Homegrade, facilitateur bâtiment durable, etc.), afin de permettre l’accès le plus élargi possible des demandeurs à une information claire et de qualité.

Enfin, le CDU encourage en outre le Gouvernement à faire en sorte que l’accès au préfinancement, qui est désormais assuré via des prêts accordés par le Fonds du logement, ne soit pas restreint de manière excessive.

En bref, selon nous, une lutte durable contre la pauvreté énergétique passe avant tout par des mesures qui soutiennent et encouragent les propriétaires et les bailleurs à rénover leurs logements de manière efficace sur le plan énergétique. La stratégie RENOLUTION du gouvernement bruxellois peut y répondre en partie, à condition que les propriétaires de logements en très mauvais état soient également contraints de rénover effectivement leur bien (si nécessaire, en faisant usage du droit de gestion publique).

 

 

 

[1] Les 5 volets sont les suivants : un audit de l’état physique du bâtiment, une étude de sa dimension urbanistique et patrimoniale, une analyse de la dimension « énergie » et des composantes environnementales, et la prise en compte de l’usage réel du bâtiment au moment du diagnostic.

[2] Voy. la prime « A »  qui est subdivisée en 4 primes, reprenant les frais relatifs aux services et études (audit énergétique, étude acoustique, etc.).

[3] Le calcul des revenus du ménage est la somme des revenus imposables globalement (disponible sur le dernier Avertissement-Extrait de Rôle) de chaque personne majeure de la composition de ménage.

[4] https://renolution.brussels/. Le développement de cette plateforme est réalisé en conformité avec les objectifs de rationalisation, harmonisation et digitalisation centrée sur l’expérience usager des portails régionaux tel qu’inscrit dans la stratégie web régionale adoptée par le Gouvernement le 1er avril 2021.

[5] Et ce afin que la constitution d’un dossier préalable à la réalisation des travaux ne soit plus un frein pour le candidat rénovateur.

[6] Avis n° 2021-12-23/35 émis le 23 décembre 2021 par le Conseil des usagers de l’électricité et du gaz de la Région de Bruxelles-capitale sur le projet d’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale modifiant l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-capitale du 9 février 2012 relatif à l’octroi d’aides financières en matière d’énergie.