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Bilan d’1 an d’appels (de juillet 2022 à juin 2023) au numéro « Allo ? Aide sociale » : focus sur la place de l’énergie dans les préoccupations quotidiennes des citoyen·ne·s bruxellois·es

Publié le: 14/11/2023 - Mis à jour le : 23/01/2024

  • « Madame m’appelle pour expliquer que dans son immeuble, il y a une chaudière collective et que la propriétaire ne veut pas la mettre en route, car elle a des soucis d’argent. Le dialogue avec la propriétaire semble compliqué. Elle me demande à qui elle peut s’adresser pour faire le médiateur ».
  • « Madame a des soucis d’insalubrité et souhaiterait voir ses possibilités pour amorcer le dialogue avec un propriétaire réticent ».
  • « Madame a reçu un décompte annuel (gaz/électricité) relativement lourd, mais sa facturation est activée sous domiciliation. Madame s’inquiète du retrait et s’est rendue en médiation de dettes afin de pouvoir stopper cela et demander un plan de paiement. Malheureusement, elle s’est faite refouler, car son endettement n’est pas suffisant. Madame cherche donc un service social pouvant l’aider à contacter son fournisseur ».

>> Témoignages déposés au numéro vert « Allo ? Aide sociale »

Le numéro vert « Allo ? Aide sociale »[1]

Pour rappel, le numéro vert « Allo ? Aide sociale » est joignable au 0800 35 243. Ce numéro est accessible de 9h00 à 17h00 tous les jours ouvrables. Il repose sur des principes éthiques à savoir la confidentialité des échanges, la gratuité et l’accès direct pour tous et toutes à un·e  professionnel·le de l’action sociale.

C’est un dispositif d’information et d’orientation des personnes résidant en Région bruxelloise. Il a pour objectif de faciliter l’accueil et le parcours des appelant·e·s dans les services du réseau social/santé bruxellois.  Concrètement, il propose et organise, si l’appelant·e le souhaite, un relais le plus direct et personnalisé possible au sein des secteurs de l’aide sociale/santé.

Ainsi, au-delà des nombreuses demandes ponctuelles traitées par le dispositif, la force du numéro vert réside dans sa capacité à orienter rapidement et efficacement les personnes vers un rendez-vous en présentiel dans un service social à proximité de chez elles. En cela, le numéro vert joue un rôle de porte d’entrée dans l’aide sociale, en informant les personnes sur leurs droits sociaux et en relayant les personnes vers les centres sociaux généralistes et des services spécifiques. Il se positionne, au travers de cette fonction, comme un outil de lutte contre le non-recours à l’aide dans le paysage de l’aide sociale bruxelloise, et permet d’enclencher relativement facilement un accompagnement multidimensionnel, centré sur les personnes, leurs spécificités (par exemple, leur quartier de vie, la langue qu’ils·elles parlent, etc.) et leurs demandes multiples.

Bilan des appels reçus entre juillet 2022 et juin 2023

Il s’agit du septième bilan des appels reçus sur une période annuelle[2] ; il analyse les 1532 appels reçus entre juillet 2022 et juin 2023, et les compare avec les données des périodes précédentes.

L’analyse se structure autour des différentes demandes et problématiques sociales amenées par les appelant·e·s et la façon dont les répondant·e·s ont pu (ou n’ont pas pu) y répondre. Les données chiffrées et qualitatives publiées dans ce 7e bilan offre un aperçu des difficultés sociales vécues quotidiennement par de nombreux·ses Bruxellois.es[3] : les problématiques principales gravitent notamment autour du logement, de la situation financière des appelant·e·s, et de l’énergie.

Les données quantitatives révèlent, pour cette période et à l’instar des précédentes, que les appelant·e·s sont majoritairement des femmes, âgées de 25 à 65 ans, et un peu plus d’une personne sur deux (55,97 %) est isolée sans enfant. On constate que la proportion de personnes isolées sans enfant est deux fois plus élevée dans la population des personnes qui contactent le numéro vert que dans la population bruxelloise en général de 18 ans et plus (28 %). Par ailleurs, un pourcentage important (26,49 %) d’appelant·e·s sont des femmes isolées avec enfant(s), les familles monoparentales avec une femme à la tête du ménage sont dès lors surreprésentées parmi les appelant·e·s si on les compare avec la population générale bruxelloise où 11,5 % des personnes sont des femmes en situation de monoparentalité.

La problématique de l’énergie[4]

Dans son Baromètre social 2021, l’Observatoire de la santé et du social bruxellois donne des chiffres assez précis sur l’impact financier des hausses des prix de l’énergie sur la santé financière des habitant·e·s de la région : «En un an, la facture moyenne des Bruxellois a plus que triplé pour le gaz et doublé pour l’électricité, voire plus selon notamment le type de contrat et de tarification»[5]. Dans ce contexte généralisé du coût augmenté de l’énergie mais également de l’eau, les aides et primes y liées ont été annoncées et mises en œuvre de manière éparse. L’ensemble des niveaux de pouvoir et un grand nombre d’acteur·trice·s sont impliqué·e·s dans l’octroi de ces aides et cela traduit souvent, dans le chef des consommateur·rice·s, par des incompréhensions et des frustrations.

Ces circonstances particulières expliquent les nombreuses demandes d’informations adressées au numéro vert concernant les aides, les primes, les conditions pour en bénéficier, sur les procédures, sur les délais de réception, mais aussi sur les plans de paiements, etc. liés aux fournisseurs d’énergie et d’eau. Plusieurs appels reçus au numéro vert montrent également l’inquiétude et l’indignation des consommateur·rice·s sur le traitement différencié, parmi les personnes qui bénéficiaient du statut BIM, entre celles qui disposaient d’un compteur individuel d’énergie et celles qui dépendaient d’un compteur collectif et étaient donc exclus du bénéfice du tarif social.

Des témoignages qui reviennent au numéro vert, il apparait que les services clientèle des fournisseurs d’énergie et de Vivaqua faillissent souvent à leur mission d’assurer un suivi des consommateur·rice·s et de proposer un service clientèle accessible et efficace. Certains fournisseurs et gestionnaires de réseaux envoient des factures aux consommateur·rice·s en y joignant le numéro de certaines associations, parfois sans mots d’explication sur leurs missions respectives et l’aide qu’elles peuvent proposer. C’est le cas du numéro vert, renseigné par plusieurs acteur·trice·s privé·e·s de l’énergie/eau sur les courriers et les factures envoyés à leurs clients : « Madame a reçu une grosse facture Vivaqua et a demandé un plan de paiement par voie téléphonique. Vivaqua a orienté madame vers le numéro vert pour faire cette démarche. Madame ne sait pas se déplacer pour visiter un service ou aidant qui pourrait l’aider » ; « Madame pensait joindre le service client d’Engie, car au sein d’un même courrier était joint à la fois le prospectus d’Engie et notre numéro de téléphone ».

Or, précise le 7e bilan, « réorienter les personnes – en omettant de préciser la nature de cette réorientation – vers le numéro vert peut être interprété comme une volonté de se décharger des situations sociales les plus complexes ou des demandes répétitives afin de libérer le temps de travail des professionnel·le·s au sein des structures privées. C’est une forme de sous-traitance déguisée et gratuite qui se met en place, en tous cas lorsqu’elle ne fait pas l’objet d’une collaboration explicite entre acteur·trice·s et d’une communication claire sur les missions de chaque organisme. (…)L’inaccessibilité des services (publics et privés) et leur digitalisation accrue laissent sur le carreau une population déjà précaire. La complexification des dossiers administratifs et l’absence d’interlocuteurs du côté des services publics – qui se ‘délesteraient’ des situations jugées trop complexes notamment par les plateformes numériques et les programmes qui les président – induisent une charge de travail supplémentaire pour les travailleur·euse·s sociaux·ales qui passent une partie de leur temps de travail à passer des coups de téléphone dans le vide, à répondre à des emails et à envoyer des rappels, à naviguer dans des plateformes numériques à la recherche d’informations individualisées, etc. Alors que le nombre d’usager·ère·s de l’aide sociale tend à augmenter, le temps de travail des professionnel·le·s du social gagnerait à être affecté plus utilement à d’autres aspects de l’accompagnement social et de manière plus qualitative ».

Ceci est un constat essentiel.

Enfin, on relève aussi, suite à l’analyse des chiffres de ce 7e Bilan, que 20,43 % des appels reçus au numéro vert concernant l’énergie proviennent de personnes de plus de 65 ans, un chiffre plus élevé que la moyenne des appels pour cette catégorie d’âge. On sait que les personnes âgées, plus enclines à la fracture numérique, ont pu être discriminées lors de leurs recours aux aides. Les Baromètres annuels successifs sur la précarité énergétique montrent également que les personnes âgées sont fortement représentées parmi les victimes de cette forme de précarité : 26 % des 65 ans et plus sont en précarité énergétique contre 11,6 % des 18-49 ans[6]. Forts de ces constats, le Centre d’Appui SocialEnergie entame, en cette fin d’année 2023, des collaborations avec plusieurs associations en contact étroit avec les personnes âgées. Nous vous reviendrons à ce sujet !

 

[1] https://www.fdss.be/fr/membres/allo-aide-sociale-numero-gratuit-bruxelles-0800-35-243/

[2] Pour consulter les bilans annuels précédents, voy. https://www.fdss.be/fr/membres/bilans-des-appels-allo-aide-sociale/

[3] Pour lire le 7e bilan des appels, voy. : https://www.fdss.be/wp-content/uploads/23-67-FdSS-bilanA4-VII-2023_03.pdf

[4] Voy. pp. 33 à 36 du 7e bilan des appels.

[5] https://www.ccc-ggc.brussels/fr/observatbru/publications/2021-barometre-social

[6] https://www.socialenergie.be/fr/dernier-barometre-de-la-precarite-energetique/