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Décision du Service des litiges du 18 janvier 2023

Publié le: 09/10/2023 - Mis à jour le : 12/10/2023

Voici l’exposition des faits d’un Mystery Switch indûment introduit et de la décision du Service des litiges (SL) du 18 janvier 2023 – R2022-036[1]

Exposé des faits

La plaignante emménage dans un logement en avril 2021 et conclut un contrat de fourniture pour ses deux énergies avec le fournisseur d’énergie Z. Elle paie des factures intermédiaires de 86€.

Dans le courant du mois de mai 2021, le compagnon de la plaignante est démarché par un préposé du fournisseur d’énergie Y ; il lui propose un contrat dont les factures intermédiaires seraient moins élevées[2].

Fin mai 2021, le compagnon de la plaignante signe un contrat de fourniture d’électricité (Smart fixe de 3 ans) et de gaz (Smart variable de 3 ans) avec le fournisseur d’énergie Y, pour un début de fourniture le 1er juillet 2021 pour leur logement. Le 31 mai 2021, il reçoit par courriel confirmation de ce contrat.

Le 8 juillet 2021, le fournisseur d’énergie Y envoie une facture intermédiaire de 110€ au ménage. Il s’agit de la facture d’acompte du mois de juillet 2021. Celle-ci est contestée par téléphone 5 jours plus tard, par la plaignante et son compagnon, ce montant n’étant en effet pas inférieur au montant payé chez le précédent fournisseur, comme cela avait été annoncé par le démarcheur du fournisseur d’énergie Y.

Le fournisseur d’énergie Y relate que, lors de cet entretien téléphonique, le compagnon de la plaignante a contesté le contrat ; leur collaboratrice lui a alors envoyé un mail lui demandant de leur confirmer son numéro de compteur en vue d’une procédure « Mystery Switch ».

Le 1er août 2021, une nouvelle facture intermédiaire est pourtant adressée au ménage par le fournisseur d’énergie Y, visant l’acompte du mois d’août.  Le fournisseur d’énergie Y considère en effet que les factures d’acompte de juillet et août 2022, ainsi que les frais prévus dans le plan de paiement, sont correctement établis et restent dus. Autrement dit, le fournisseur d’énergie Y estime qu’une quantité d’énergie a été livrée dans le cadre d’un contrat auquel le client aurait consenti. Le fournisseur note : « Le fait d’avoir lancé une procédure Mystery Switch ne change pas cette réalité ».

Plainte d’Infor GazElec (IGE)

Le couple s’est rendu chez IGE pour leur faire part de l’abus qu’ils pensaient avoir subi. IGE les a accompagnés dans un dépôt de plainte, auprès du Service des litiges de Brugel, contre le fournisseur d’énergie Y. Ce fournisseur qui avait cru bon de se défaire d’un usager, démarché mais mécontent, en utilisant la procédure Mystery Switch, aux motifs injustifiables qu’il n’avait fait que rendre service au client qui voulait retourner chez son ancien fournisseur et que cette procédure était ouvertement utilisée par le GRD lorsqu’un fournisseur faisait faillite.

C’est en toute logique que le Service des litiges de Brugel a suivi le raisonnement d’IGE, selon lequel :

  • soit il s’agissait vraiment d’un Mystery Switch,
  • soit il s’agissait d’une utilisation malhonnête de cette procédure, auquel cas le fournisseur d’énergie Y devait en assumer les conséquences et prendre la consommation à sa charge.

C’est cette seconde option que le Service des litiges a adoptée, se fondant notamment sur l’adage « nul ne peut invoquer sa propre turpitude ».

La décision du SL :

Le SL rappelle tout d’abord que :

« Toute modification d’une donnée du registre d’accès est demandée et traitée conformément au MIG applicable en Région de Bruxelles-Capitale.

Tout fournisseur peut prendre contact avec le gestionnaire du réseau de distribution, via son site internet, afin d’obtenir toutes précisions ou toutes explications nécessaires (…) »[3].

Dès lors, tout changement de fournisseur sur un point d’accès[4]  doit s’opérer conformément aux règles prévues par le MIG.

Le scénario « Mystery Switch »[5] poursuit le but suivant :

« Grâce au scénario « Mystery Switch après Date effective de changement », un Fournisseur « kidnappé » peut récupérer un point d’accès au cas où un changement de fournisseur ou un changement combiné aurait été lancé par un autre fournisseur appelé le Fournisseur « kidnappeur ». Le Fournisseur « kidnappeur » reste néanmoins responsable du point d’accès jusqu’à la date effective de correction. Ce scénario ne peut être exécuté qu’après la date effective de changement, lorsque le Fournisseur « kidnappeur » est déjà responsable du point d’accès. (…) ».

Concrètement, ce scénario est utilisé lorsqu’une erreur est commise, avec la conséquence suivante : un fournisseur s’est emparé d’un point de fourniture pour lequel le client avait choisi un autre fournisseur.
Ce scénario « Mystery Switch » permet donc au fournisseur initial de récupérer le point.

Le Service des litiges constate qu’en l’espèce, le fournisseur d’énergie Y n’a pas respecté la finalité du scénario Mystery Switch. En effet, le fournisseur d’énergie Y affirme qu’un contrat a été valablement conclu avec lui pour les points de fourniture en cause, il n’invoque dès lors pas d’« erreur ».

Néanmoins, le principe général de droit selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude entraine que le fournisseur d’énergie Y ne peut échapper aux conséquences négatives d’un acte qu’il a fautivement commis, puisque le contrat a été dûment conclu (et est, par ailleurs, le fruit d’un démarchage abusif).

Dès lors, il convient d’appliquer les règles régissant la facturation liée au Mystery Switch. Selon celles- ci « le fournisseur qui a injustement demandé le changement de fournisseur ne peut pas facturer la consommation enregistrée pendant la période. Il doit, par conséquent, prendre cette consommation à sa charge »[6].

Le Service considère donc que fournisseur d’énergie Y doit prendre à sa charge la consommation consommée par la plaignante entre le 1er juillet 2021 (date de début de livraison) et le 9 août 2021 (date d’introduction du Mystery Switch). Par ailleurs, les frais supplémentaires relatifs aux factures litigieuses doivent être annulés.

 

Plus d’infos : Gare aux changements frauduleux de fournisseur ou mystery switch

 

[1] https://www.litigesenergie.brussels/publication/document/jurisprudence-service-litiges/2023/fr/Decision-R2022-036.pdf

[2]Sur le démarchage abusif, voir : https://www.socialenergie.be/fr/demarchage-et-apres/ ; https://www.socialenergie.be/fr/un-fournisseur-condamne-par-le-juge-de-paix-pour-demarchage-illegal/

[3] Art. 163, § 2 du règlement technique électricité et l’article 136, § 2 du règlement technique gaz.

[4] Un changement de fournisseur sur un point d’accès correspond en effet à une modification d’une donnée du registre d’accès (voir article 160 du Règlement technique électricité selon lequel « le gestionnaire du réseau de distribution tient un registre d’accès qui reprend, pour chaque point d’accès, toutes les données nécessaires à la gestion de l’accès et, notamment, le statut actif ou inactif du point d’accès et, pour les points d’accès actifs, l’identité du fournisseur, de l’utilisateur du réseau de distribution et du responsable d’équilibre, le type (résidentiel ou professionnel) et l’identité du client renseigné par ce dernier, le groupe tarifaire, le type d’équipement de comptage et de relevé ».

[5] Il s’agit, plus précisément, du scénario 03b « Mystery Switch après date effective de changement » du UMIG Partie II A et plus particulièrement son point 1.1 Doel.

[6] Recommandation du Médiateur fédéral pour l’énergie, disponible à l’adresse suivante : https://www.mediateurenergie.be/sites/default/files/content/download/files/changement_de_fournisseur.pdf.  Cette analyse résulte notamment d’une collaboration entre les différents régulateurs du pays.